Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tinuer à provoquer Olive et les autres hobereaux, tant qu’il avait le sentiment d’envahir leurs palais à la tête du peuple ; mais depuis la nuit où Murrel en personne avait semé le doute dans l’équilibre démocratique de son ami, celui-ci était devenu un pauvre homme exagérément sensible et concentré, sur lequel les attentions et une sympathie délicate n’étaient pas perdues. Murrel comprit tout cela, excepté peut-être la fin qui restait obscure, mais il n’en laissa rien paraître dans sa voix.

— Oui, dit Braintree imperturbable, Miss Ashley m’a dit qu’il fallait absolument qu’on vienne vous aider. Je suis surpris que vous ne fassiez pas cela vous-même ?

— Pas moi, répliqua Murrel ; j’ai dit au commencement que si on me faisait l’injure de m’appeler « régisseur de la scène », au moins je n’étais pas assez pervers pour être « directeur du personnel ». Depuis, Julian Archer s’est chargé de toute la direction. De plus, en ce qui me concerne, Miss Ashley m’a confié d’autres fonctions.

— Pas possible ? interrogea Braintree. C’est vrai, maintenant que je vous regarde, vous avez l’air d’aller chercher fortune dans les mines d’or ou ailleurs.

Et il considéra avec surprise l’équipement de son ami, qui portait un havresac, une canne d’aspect résolu, et une ceinture de cuir où pendait sans doute un couteau de chasse.

— Oui, dit Murrel, je suis armé jusqu’aux dents ; je suis pris pour le service actif, je vais au front. Après une pause, il ajouta :

— La vérité est que je vais courir les magasins.

— Oh ! fit Braintree stupéfait.

— Faites mes adieux à mes amis, mon vieux, dit