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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/92

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merciale qui s’accorde avec la froide lumière blanche du matin.

— Les affaires sont les affaires, se dit-il sévèrement. Maintenant que je suis un homme d’affaires, je dois envisager toute chose à un point de vue pratique.

Il s’approcha d’abord de la longue file de constructions babyloniennes qui portaient le titre de « Magasins Impériaux », en lettres d’or plus grandes que les fenêtres. Il s’en approcha délibérément. Ils occupaient tout un côté de la grande rue, et une partie de l’autre. Il y avait au dedans une foule qui essayait de sortir, en dehors une foule qui essayait d’entrer, renforcée d’une troisième qui n’essayait ni d’entrer, ni de sortir, mais qui s’arrêtait à regarder les devantures, sans la moindre idée d’aboutir nulle part.

Dans cette lente poussée, Murrel tombait par intervalles sur de grands hommes bienveillants qui lui faisaient signe d’avancer d’un geste majestueux de la main, si bien qu’il éprouvait un désir violent de frapper ces bornes affables d’un furieux coup de sa lourde canne sur la tête, mais un pareil prélude à son aventure risquait d’amener les choses à un dénouement prématuré. Avec une rage contenue, il répétait à chacun de ces personnages policés le nom du rayon qu’il désirait atteindre ; le personnage répétait le nom du rayon et dirigeait du geste Murrel, qui avançait en grinçant des dents. Il semblait admis que, quelque part, dans ces interminables galeries dorées et ces halls souterrains, il existait un rayon consacré aux fournitures pour artistes ; mais nulle indication de la distance ou du temps qu’il faudrait pour y parvenir. De temps à autre, on tombait sur la vaste crevasse, le puits d’un ascenseur, et quelques personnes s’engouffraient dans le sol, et d’autres s’évanouissaient dans le plafond. À la fin