Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/200

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Et il ne se lasse pas d’exprimer cette idée dans presque toutes ses lettres, vous le verrez, si vous les étudiez avec soin ; toujours opposer aux épreuves mille exemples différents empruntés du Christ. Voyez bien, ici, c’est en accusant les Juifs, qu’il rappelle l’histoire du Seigneur, la passion du Seigneur ; il savait bien que c’était là la meilleure des consolations. « Qui ont tué le Seigneur », dit-il ; mais peut-être ne le connaissaient-ils pas ? Au contraire, ils le connaissaient parfaitement, et après ? N’ont-ils pas encore tué leurs prophètes ? et lapidé ceux dont ils portent partout les livres ? Certes, ils ne l’ont pas fait par amour pour la vérité. Donc il n’y a pas seulement une consolation dans les tentations ; mais encore un avertissement qui nous fait voir que les persécuteurs n’agissent point par amour pour la vérité ; ce qui est un motif pour les fidèles de ne pas se troubler. « Qui nous ont persécutés », dit-il ; et nous aussi, dit-il, nous avons souffert des maux sans nombre. – « Qui ne sont point agréables à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes, qui nous empêchent d’annoncer aux gentils la parole du salut ». Vous l’entendez : « Qui sont ennemis », dit-il, « de tous les hommes ». Comment cela ? C’est que, s’il faut parler à toute la terre, et s’ils nous en empêchent, ce sont, pour toute la terre, des ennemis. Ils ont tué le Christ, les prophètes ; ils outragent Dieu ; ce sont, pour toute la terre, des ennemis ; ils nous chassent, nous ; qui sommes venus pour le salut du monde. Qu’y a-t-il d’étonnant qu’ils aient tenu envers vous la même conduite ; qu’ils reproduisent ce qu’ils ont fait dans la Judée ? « Qui nous empêchent », dit-il, « d’annoncer aux gentils la parole du salut ». L’envie, voilà ce qui fait obstacle au salut de tous. « Comblant ainsi la mesure de leurs péchés, car la colère de Dieu est tombée sur eux et y demeurera jusqu’à la fin ». Il n’y a plus lieu de croire qu’il en sera comme par le passé ; il n’y a plus pour eux de retour possible ; ils ne mettent plus de bornes à leurs crimes ; la colère de Dieu va fondre sur eux. Qui le prouve ? La prédiction du Christ, car la consolation des affligés ne consiste pas seulement à voir leurs afflictions partagées, mais à voir le coup qui frappe ceux qui les ont affligés. Si le retard de la vengeance est une douleur, que ce soit une consolation de n’avoir plus à l’attendre. L’apôtre fait plus ; il a supprimé le délai en disant : que « la colère » est proche, qu’elle est décidée, qu’elle est prédite.

« Aussi, mes frères, ayant été pour un peu de temps comme des orphelins, loin de vous par le corps, non par le cœur, nous avons désiré, avec d’autant plus d’ardeur, de jouir de votre présence ». Il ne dit pas, séparé, il emploie un mot plus expressif. Plus haut il a parlé de la flatterie pour montrer qu’il ne flatte pas, qu’il ne recherche pas la gloire. De même qu’il a dit plus haut : « Comme un père envers ses enfants, comme une nourrice », de même ici il emploie une expression de choix, « comme des orphelins » ; ce qui se dit des enfants qui n’ont plus de père. Eh quoi ! ceux-ci sont-ils donc orphelins ? Non, dit-il, mais c’est nous. Si l’on médite sur la nature de la douleur, de même que des enfants, en bas-âge, dont nul ne prend soin, qui supportent, avant le temps, une perte cruelle, regrettent amèrement leurs parents, non seulement par affection naturelle, mais parce qu’ils sont dans l’abandon, de même cela est vrai de nous ; de là il montre la douleur que son âme ressentait de la séparation. Et si nous pouvons, nous exprimer ainsi, ce n’est pas que nous ayons été loin de vous longtemps, mais « pour un peu de temps », et cela, « par le corps, non par le cœur. Car nous vous portons toujours dans notre pensée ». Voyez la force de l’affection. Quoiqu’il les portât toujours dans son cœur, il recherchait leur vue, leur présence. Qu’on ne m’objecte pas ici une sagesse intempestive ; voilà la marque d’une ardente charité : voir, entendre, converser, c’est une grande consolation. « Nous avons désiré avec d’autant plus d’ardeur », qu’est-ce à dire « avec d’autant plus d’ardeur ? » Ou cela veut dire : Nous vous étions fortement attachés, ou, comme il est vraisemblable, après une heure d’éloignement, nous désirions voir votre visage. Voyez, considérez le bienheureux Paul ; ne pouvant par lui-même satisfaire son désir, il le fait par des intermédiaires ; comme lorsqu’il envoie, aux habitants de Philippes, Timothée ; à ceux de Corinthe, le même encore ; il a recours à des intermédiaires, quand il ne peut pas se rapprocher lui-même ; sa tendresse en effet avait des transports invincibles ; son amitié était indomptable. C’est pourquoi « nous avons voulu vous aller trouver », c’est l’affection qui tient ce langage. Quoiqu’en ce moment,