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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/220

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de trouble aussi pour le reste des hommes. Voyez comment s’y prend l’apôtre, pour guérir ces blessures. La pauvreté leur venait de ce qu’on leur avait enlevé leurs biens ; or, s’il donne à ceux qui se sont vu ravir leurs biens à cause du Christ, le conseil de gagner leur vie par le travail, à plus forte raison le donne-t-il aux autres hommes. On leur avait enlevé leurs biens ; c’est ce qui résulte de ces paroles : « Vous êtes devenus les imitateurs des Églises de Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus-Christ, dans la Judée ». (1Thes. 2,14) Comment cela ? c’est qu’en écrivant à ces Églises, il leur disait : « Vous avez vu avec joie tous vos biens pillés ». (Héb. 10,14) Maintenant, dans le passage qui nous occupe, il parle de la résurrection. Quoi donc ? n’avait-il pas déjà discouru avec eux sur ce sujet ? sans doute ; mais il insinue ici un autre mystère. Quel est-il ? C’est que « nous, qui sommes vivants et qui sommes réservés », dit-il, « pour l’avènement du Seigneur, nous ne préviendrons point ceux qui sont dans le sommeil de la mort (14) ». La résurrection suffit pour consoler celui que tourmente la douleur ; il suffit aussi de ce qu’il dit en ce moment pour confirmer la foi en la résurrection. Reprenons donc, et disons comme lui : « Or, nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que vous devez savoir, touchant ceux qui dorment du sommeil de la mort, afin que vous ne vous attristiez pas, comme font les autres hommes, qui n’ont point d’espérance ». Voyez ici quelle douceur de langage ; il ne leur dit pas : Êtes-vous assez privés de raison, comme aux Galates (Gal. 3,3), assez insensés, vous, qui connaissez la résurrection, pour succomber à la douleur comme les incrédules ? Il leur dit, avec une parfaite douceur : « Je ne veux pas » ; montrant d’ailleurs qu’il respecte leur vertu. Et il ne dit pas, touchant ceux qui sont morts, mais, dès ses premières paroles, il pose le fondement de la consolation.

Se frapper la poitrine, au trépas de ceux qui ne sont plus, ce n’est pas là, assurément, une conduite digne de ceux qui espèrent ; sans doute l’âme qui ne sait rien de la résurrection, qui prend, cette mort pour une mort, a raison de guérir, de se lamenter sur ceux qui ont péri, de se livrer à une insupportable douleur ; mais toi qui attends la résurrection, pourquoi te lamentes-tu ? Le deuil ne convient qu’à ceux qui n’ont pas d’espérance. Écoutez, ô femmes ; vous toutes qui aimez les gémissements, vous toutes qui vous livrez au deuil outre mesure, vous faites ce que font les gentils. Si le deuil, au moment du départ de ceux qui ne sont plus, est le propre des gentils, que dirons-nous de ceux qui se frappent la poitrine, qui se déchirent les joues ? Quel nom leur donner, répondez-moi ? D’où viennent vos lamentations, si vous croyez que le mort ressuscitera, si vous croyez qu’il n’est pas mort, si vous croyez qu’il n’y a là qu’un assoupissement et un sommeil ? Mais, me répond-on, les habitudes si cruellement changées, un appui que l’on perd, un surveillant, un protecteur, tant de services précieux ravis à la fois ! Quand vous perdez un fils, avant l’âge, incapable jusqu’à ce jour de rien faire pour vous, pourquoi vos lamentations, pourquoi vos regrets ? C’est, dit-on, qu’il montrait de belles espérances, et je croyais qu’il prendrait soin de moi. Et voilà pourquoi je regrette mon mari ; pourquoi, mon fils ; pourquoi je me frappe la poitrine ; pourquoi je gémis ; je crois en la résurrection, mais je suis abandonnée, sans secours ; j’ai perdu mon protecteur, celui qui habitait avec moi, dont la vie était liée à la mienne, celui qui me consolait ; de là mon deuil ; je sais bien qu’il ressuscitera, mais je ne puis, en attendant, supporter la séparation ; une multitude d’affaires tourbillonnent sur moi ; je suis exposée à tous ceux qui veulent me nuire ; mes serviteurs, qui me craignaient auparavant, aujourd’hui me méprisent et m’insultent ; celui que mon époux a bien traité, a oublié aujourd’hui ses bienfaits ; mais celui qui a souffert de lui quelque rigueur, garde rancune à l’homme qui n’est plus, et tourne contre moi sa colère. C’est ce qui fait que je ne supporte pas mon veuvage, que mon deuil ne saurait être paisible, et voilà pourquoi je me frappe la poitrine, voilà pourquoi je me lamente.

Comment donc nous y prendre pour consoler ces femmes ? Que leur dire ? Comment bannir, loin d’elles, le chagrin ? D’abord, j’essaierai de leur prouver que ce ne sont pas là des paroles qui expriment la douleur ; que c’est le langage de tout ce qu’il y a, en réalité, de plus déraisonnable dans la passion. En effet, si vous avez de la douleur pour ce que vous dites, il faudrait pleurer toujours celui qui est parti ; si, au contraire, au bout d’un