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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/221

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an, vous l’avez aussi bien oublié que s’il n’avait jamais existé, ce qui vous fait pleurer, ce n’est pas celui qui n’est plus, ni sa tutelle que vous avez perdue ; mais c’est la séparation qui vous est insupportable ; et vous ne pouvez vous résigner à voir vos relations rompues. — Eh bien ! que diront celles qui convolent à de secondes noces ? assurément ce n’est pas le premier mariage qu’elles regrettent ; mais laissons-les, ne nous adressons qu’à celles dont la douleur est fidèle à ceux qui ne sont plus. Pourquoi pleurez-vous votre enfant ? Pourquoi pleurez-vous votre mari ? C’est que je n’ai pas joui de l’un ; c’est que je m’attendais à jouir de l’autre plus longtemps. Je vous le demande, quel manque de foi que de penser qu’un mari, qu’un enfant puisse vous assurer un bonheur qui ne vous serait pas assuré par Dieu ? Comment ne voyez-vous pas que c’est Dieu que vous irritez ? Si le Seigneur vous prend ces objets de votre tendresse, souvent c’est pour que vous ne vous y attachiez pas, en renonçant aux espérances d’en haut ; car le Seigneur est un Dieu jaloux, et ce qu’il veut surtout de nous, c’est notre amour, et cela parce qu’il est pour nous plein d’amour. Vous savez bien comment se comporte l’amour ardent ; celui qui aime, est jaloux jusqu’à mieux aimer perdre la vie, que de se voir préférer un rival ; et voilà pourquoi Dieu vous a pris votre mari ou votre enfant ; c’est à cause de ces paroles que vous avez prononcées.

3. Expliquez-moi, en effet, pourquoi, dans les anciens temps, il n’y avait ni veuvage, ni perte prématurée ; pourquoi Abraham et Isaac vécurent si longtemps ; c’est parce que Isaac, étant plein de vie, Abraham lui préféra Dieu. En effet, Dieu lui dit : Va me l’immoler. Et Abraham immola son fils. Pourquoi Sara atteignit-elle une si longue vieillesse ? C’est parce que Sara étant pleine de vie, Abraham écouta Dieu plus que Sara ; aussi Dieu lui disait : « Écoute Sara ton épouse ». (Gen. 21,12). Ni l’amour pour un mari, ni l’amour pour une femme, ni l’intérêt pour un enfant, n’excitait alors la colère de Dieu. Mais aujourd’hui que nous sommes penchés vers la terre et tout à fait déchus, maris, nous aimons nos femmes plus que Dieu ; femmes, nous nous attachons à nos maris plus qu’à Dieu ; et alors Dieu, malgré nous, nous rappelle à son amour. N’aime pas ton mari plus que Dieu, et tu ne sentiras jamais le veuvage ; je dis plus, supposé que tu sois veuve, tu ne sentiras pas ton état. Pourquoi ? c’est que tu as pour défenseur un ami plus tendre, un protecteur immortel. Si tu aimes Dieu plus que tout, ne pleure pas ; car celui que tu aimes plus que tout, est immortel, et il ne permet pas que tu sois sensible à la perte du moins aimé. Un exemple vous prouvera cette vérité ; répondez-moi, vous avez un mari, qui fait tout au gré de vos désirs ; la considération l’entoure ; il répand la gloire tout autour de vous ; il chasse loin de vous tous les mépris ; c’est un homme fameux auprès de tous, plein de sagesse, d’habileté, d’amour pour vous ; vous êtes heureuse par lui ; il vous donne un fils, et ce fils, avant l’âge, s’en va ; est-ce que vous sentirez le deuil ? nullement. Celui qui est plus aimé, rend la perte moins sensible. Eh bien, maintenant, si vous avez plus d’amour pour Dieu que pour votre mari, Dieu ne vous l’enlèvera pas aussi vite ; s’il vous l’enlève, vous n’en ressentirez pas le deuil ; voilà pourquoi le bienheureux Job n’a pas éprouvé une douleur trop amère en apprenant, coup sur coup, la mort de ses enfants ; il aimait Dieu plus que ses fils. L’objet aimé étant plein de vie, ses pertes n’étaient pas faites pour l’abattre.

Que dis-tu, ô femme, ton mari et ton fils te défendaient et veillaient sur toi, et Dieu te traite avec rigueur ? Ce mari, qui te l’a donné ? N’est-ce pas Dieu ? Et toi-même, qui est-ce qui t’a faite ? N’est-ce pas Dieu ? Tu n’étais pas, et il t’a donné l’être ; et il a mis en toi une âme ; et il t’a douée de pensées ; et il a daigné se faire connaître à toi ; et, à cause de toi, il a traité avec rigueur son Fils unique ; et tu dis que c’est toi qu’il traite avec rigueur ; et tu dis que celui qui est esclave comme toi, a pour toi moins de rigueur ? Quelle colère n’excitent pas de telles paroles ? Qu’as-tu reçu, quel pareil bienfait as-tu éprouvé de la part de ton mari ? Tu ne saurais le dire. Si quelquefois il t’a traitée avec bienveillance, sa bienveillance était provoquée par la tienne qui avait commencé. Mais à propos de Dieu, ce langage est impossible ; quand Dieu nous comble de ses bienfaits, ce n’est pas pour répondre aux nôtres, il n’a besoin de personne, il n’écoute que sa seule bonté, pour faire du bien aux hommes ; il t’a promis le royaume du ciel, il t’a donné la vie immortelle, la gloire, la fraternité, l’adoption des enfants de Dieu ; il t’a