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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/222

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faite cohéritière de son Fils unique ; et toi, après tant de bienfaits, tu penses encore à ton mari ? De quels dons t’a-t-il gratifiée, qui ressemblent à ces dons ?

Le Seigneur a fait lever pour toi son soleil, et il t’a envoyé la pluie ; il te nourrit des fruits des saisons ; malheur à notre ingratitude. Il te prend ton mari pour que tu n’y attaches pas toute ton âme, et toi, tu t’obstines à poursuivre celui qui est parti ; et tu renonces à Dieu quand tu devrais le bénir, quand tu devrais te jeter tout entière dans ses bras ; car enfin, qu’as-tu reçu de ton mari ? Les douleurs de l’enfantement, les fatigues, les outrages, et souvent les querelles, et les reproches, et les paroles d’indignation. N’est-ce pas là ce qu’il faut attendre des maris ? Mais il y a aussi, me répond cette femme, d’autres présents bien doux. Quels sont-ils ? Il m’a revêtue de vêtements somptueux, il a couvert d’or mon visage, il m’a faite considérable pour tous. Eh bien, si vous voulez, Dieu vous donnera un ornement bien plus riche, car l’or est une parure moins splendide que l’honnêteté. Notre Roi a aussi des vêtements qui ne ressemblent pas à ceux de la terre, qui sont bien plus riches ; il ne tient qu’à vous de les revêtir. Quels sont-ils ? Des vêtements brochés d’or ; vous n’avez qu’à vouloir, pour en revêtir votre âme. Mais votre mari vous a rendue considérable parmi les hommes ; quelle merveille ! le veuvage vous a rendue respectable pour les démons. Autrefois, vous commandiez à vos serviteurs, je veux bien dire que vous leur commandiez ; aujourd’hui vous avez pour serviteurs, soumis à votre empire, les puissances incorporelles, les principautés, les dominations, le prince de ce monde. Et maintenant, vous ne me parlez pas des chagrins qui vous tourmentaient avec votre mari ; si parfois vous aviez à craindre les magistrats, si parfois ; dans le voisinage, d’autres personnes étaient plus considérées que vous ; aujourd’hui, vous êtes affranchie de tous ces soucis, et de la terreur, et de la crainte. Mais voilà ce qui vous inquiète : qui les nourrira, ces enfants qui vous restent ? Le père des orphelins ; car qui vous les a donnés ? répondez-moi. N’entendez-vous pas le Christ dire dans l’Évangile : « La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » (Mt. 6,25)

4. Voyez-vous que ces lamentations ne viennent pas d’une affection dont l’âme s’est fait une habitude, mais du manque de foi ? Mais les enfants n’ont plus une position si brillante, une fois que leur père est mort. Pourquoi ? Dieu est leur père, et leur position a cessé d’être brillante ? Combien vous en montrerai-je d’enfants élevés par des veuves, qui ont acquis de la considération ? Combien furent élevés par leur père, qui ont péri ? Car, si vous les élevez comme il convient, dès le premier âge, ils jouiront d’un plus grand bienfait que de la sollicitude paternelle. Et voilà la fonction des veuves, elles doivent élever leurs fils. Écoutez ce que dit saint Paul : « Si elle a bien élevé ses enfants » ; et ailleurs « Elle se sauvera par les enfants qu’elle aura mis au monde » (l’apôtre ne dit pas par son mari) « s’ils persévèrent dans la foi, dans la charité, dans la sainteté et dans une vie bien réglée ». (1Tim. 5,10 et 2, 15) Inspirez-leur la crainte de Dieu dès l’enfance, et il les gardera mieux que n’importe quel père ; ce sera là, pour eux, le mur indestructible. En effet, quand le gardien réside à l’intérieur, nous n’avons pas besoin des appuis du dehors ; si au contraire ce gardien manque, toutes les choses du dehors sont inutiles. Voilà ce qui leur tiendra lieu de richesse, de gloire, de parure ; voilà qui fera leur splendeur, non seulement sur la terre, mais dans les cieux. Ne regardez pas ceux qui ont des ceintures d’or, ceux que portent des coursiers, ceux qui brillent, dans les palais des rois, de l’éclat de leurs pères, ceux qui ont un cortège de serviteurs et de pédagogues.

Voilà peut-être ce qui excite les lamentations des veuves sur leurs fils orphelins ; elles pensent, elles se disent : Si mon fils avait encore son père, il jouirait de toute cette félicité, tandis que maintenant le voilà abaissé, sans honneur ; nul n’a de considération pour lui. Bannis ces pensées, ô femme ; ouvre-toi les portes du ciel par les conceptions de ton esprit ; contemple la royauté d’en-haut, c’est là que le vrai roi réside ; considère ceux qui demeurent sur la terre : peuvent-ils être revêtus de plus de gloire que ton fils, élevé à ces hauteurs ? Gémis alors, si tu peux. S’il est sur la terre quelque gloire, il n’en faut tenir aucun compte ; tu peux te représenter ton fils comme un soldat du ciel, enrôlé dans cette sublime armée. Les soldats de là-haut ne montent pas des chevaux ; leurs coursiers sont les nuages ; ils ne se