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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/230

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supplice ; ils disaient, au retour, avoir vu des hommes qui ne leur paraissaient pas des hommes ; tel était le trouble, la stupeur, le bouleversement de leur âme.

Si la mort du corps produit en nous cette épouvante, quand viendra l’éternelle mort, que ressentirons-nous ? Et que dis-je de ceux qu’on mène à la mort ? La foule qui les entoure, se compose d’individus qui, pour la plupart, ne les connaissent pas. Supposez, dans cette foule, une personne dont les regards pussent lire au fond de leur âme ; qui pourrait être assez dur, assez ferme pour ne pas se sentir abattu, frappé d’anéantissement, glacé par la terreur ? Et maintenant, si cette mort, qui en saisit d’autres que nous, si cette mort qui ne diffère en rien du sommeil, produit une impression si profonde sur ceux qui n’ont pas à la subir ; à l’heure où nous-mêmes nous tomberons dans un état plus effroyable, quel ne sera pas notre abattement, notre consternation ? Non, non ; il faut m’en croire, il n’est pas de discours, de paroles, qui égalent l’impression qui nous attend.

Sans doute, me répond-on ; mais Dieu est si bon pour les hommes, et rien de tout cela n’arrivera. Ainsi les Écritures sont sans valeur ? Non, me répond-on ; il n’y a là qu’une menace pour nous porter à la sagesse. Eh bien ! si nous ne nous conformons pas à la sagesse, si nous persévérons dans le mal, Dieu n’infligera-t-il pas le châtiment, répondez-moi ? Et par conséquent il ne décernera pas, à la vertu, ses récompenses ? Au contraire, me répond – on, récompenser est une conduite conforme à sa nature, et ses bienfaits dépassent nos mérites. Voilà donc votre conclusion pour les récompenses, la promesse est vraie et se réalisera d’une manière absolue ; quant aux châtiments, il n’en est pas de même ; il n’y a là qu’une menace pour nous épouvanter. Comment m’y prendre pour vous persuader ? Je n’en sais rien. Si je dis que « leur ver ne mourra point, que leur feu ne s’éteindra point » (Mc. 9, 45) ; si je dis qu’ils s’en iront dans le feu éternel ; si je produis devant vous le riche déjà livré au supplice, pures menaces, me direz-vous. Comment m’y prendre pour vous persuader ? Satanique pensée qui rend la grâce inutile et qui ne fait que des indolents. Comment l’extirper, cette pensée ? Tout ce que nous vous dirons pris des Écritures, pures menaces, répondrez-vous ; mais cette réponse, suppose qu’elle s’applique à l’avenir, si vous l’objectez à ce qui est arrivé, à ce qui est accompli, est sans valeur. Vous avez tous entendu parler du déluge. Direz-vous aussi, pure menace ? N’est-ce pas là un événement, un fait accompli ? Vos discours ne sont que la répétition des discours d’autrefois ; durant cent ans, employés à la construction de l’arche, pendant que l’on formait la charpente, pendant que le juste annonçait la vengeance à grands cris, nul ne l’en croyait. Mais aussi pour n’avoir pas cru les paroles de la menace, ils eurent à subir la réalité du châtiment ; et c’est le sort qui nous attend, si nous ne voulons pas croire. Voilà pourquoi l’apôtre compare l’avènement du Seigneur aux jours de Noé. De même qu’on refusa de croire à l’ancien déluge, de même on ne veut pas croire au déluge de l’enfer. N’était-ce donc qu’une menace jadis ? L’événement ne s’est-il pas accompli ? Et celui qui infligea si soudainement le supplice alors, ne l’infligera-t-il pas, à bien plus forte raison, aujourd’hui encore ? Les attentats des anciens âges ne dépassaient pas ceux d’aujourd’hui ; qu’est-ce à dire ? « Alors », dit l’Écriture, « les enfants de Dieu allèrent trouver les filles des hommes » (Gen. 6,2) ; et le pêle-mêle était affreux ; et aujourd’hui quelle honte fait reculer ? Croyez-vous, oui ou non, au déluge, oui le prenez-vous pour une fable ? Les montagnes où l’arche s’est arrêtée l’attestent, je parle des montagnes de l’Arménie.

3. Les exemples me viennent en foule ; j’en prends un singulièrement manifeste. Quelqu’un de vous a-t-il jamais voyagé en Palestine ? Ce ne sont plus des paroles, mais des choses que je dis. – Quoique, à dire vrai, mes preuves de tout à l’heure fussent plus convaincantes que des réalités. Car ce que dit l’Écriture mérite plus notre foi, que ce que voient nos yeux. Eh bien donc, quelqu’un de vous a-t-il jamais voyagé en Palestine ? je pense que quelqu’un a fait ce voyage. Eh bien, vous qui avez vu le pays, servez-moi donc de témoins auprès de ceux qui n’y ont pas été. Au-dessus d’Ascalon et de Gaza, à l’endroit où cesse le Jourdain, il y a un pays immense, fertile ; disons mieux, il était fertile, car aujourd’hui il ne l’est plus ; c’était une contrée belle comme le paradis. « Loth vit », dit l’Écriture, « tout le pays autour du Jourdain et il était arrosé comme le paradis de Dieu ». (Gen. 13,10)