Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/242

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grande utilité ; de même que les pères sont souvent à charge à leurs fils, de même arrive-t-il à ceux qui enseignent, et à ceux-là plus qu’à tous les autres, d’être importuns, à charge, odieux. Le médecin, dans le cas même où le malade l’a pris en haine, n’a qu’à se louer des parents du malade et de ses amis ; et souvent le médecin n’a qu’à se louer du malade. Quant au père, qui a pour lui et la nature et le secours que lui prêtent d’ailleurs les lois, il lui est très-facile de gouverner son fils. Supposez l’enfant indocile, le père pourra le corriger et le châtier sans que personne s’y oppose ; ajoutons que l’enfant même n’osera pas le regarder en face. Le prêtre, au contraire, doit surmonter de grandes difficultés. Et d’abord, il faut que son empire, que sa direction soit acceptée ; ce qui ne se fait pas tout de suite ; car celui qu’on reprend et qu’on blâme, quel qu’il soit, oublie qu’il doit savoir gré de la réprimande, et devient un ennemi. De même celui à qui on adresse des conseils, des avertissements, des prières. Si je vous dis : Versez votre argent entré les mains des pauvres, ce que je vous dis là, vous est à charge et désagréable ; si je vous dis : Apaisez votre colère, éteignez le feu de votre cœur, réprimez un désir déréglé, supprimez quelque peu de vos délicatesses, autant de paroles désagréables, et qui sont à charge ; si je châtie l’indolent et le lâche, que je l’écarte de l’Église, que je lui interdise la prière commune, il s’afflige, non pas de ce qu’il est déchu, mais de ce qu’il est publiquement exposé à la honte.

Car voilà encore ce qui accroît notre mal quand on nous interdit les biens spirituels, nous nous affligeons, non pas d’être privés de biens si précieux, mais d’être en spectacle, et forcés de rougir. Ce n’est pas la privation même que nous avons en horreur, que nous redoutons. – Paul fait entendre, à ce sujet, beaucoup de réflexions. Et le Christ, pour recommander la soumission à l’autorité religieuse, a été jusqu’à dire : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas ce qu’ils font » (Mt. 23,2) ; et ailleurs, après avoir guéri le lépreux, il disait : « Allez vous montrer au prêtre et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage ». (Id. 8,4) – Mais, Seigneur, vous avez dit aussi vous-même aux scribes et aux pharisiens qu’ils font un prosélyte et qu’ils le rendent digne de l’enfer deux fois plus qu’eux-mêmes. – C’est pour cela que j’ai dit, répond le Christ : « Ne faites pas ce qu’ils font ». (Mt. 23) Le Seigneur ôte par ces paroles tout prétexte à l’insoumission. Paul écrivait encore à Timothée : « Que les prêtres qui gouvernent bien, soient doublement honorés » (1Tim. 5,17) ; il écrivait aux Hébreux : « Obéissez à vos conducteurs, et soyez-leur soumis ». Et ici encore : « Nous vous demandons, mes frères, de reconnaître ceux qui se fatiguent parmi vous, et qui vous gouvernent selon le Seigneur ». Comme il a dit en effet : « Édifiez-vous l’un l’autre », ils auraient pu s’imaginer qu’il les élevait tous au rang de docteurs. Voilà pourquoi il ajoute des paroles qui reviennent à ceci Croyez bien que je vous ai recommandé de vous édifier réciproquement, car il n’est pas possible que le docteur dise tout, à lui tout seul.

« Ceux qui se fatiguent », dit-il, « parmi vous, qui vous gouvernent selon le Seigneur, et qui vous avertissent ». Si un homme vous prenait sous sa protection, vous défendait, vous feriez tout pour lui marquer votre reconnaissance ; or voici maintenant un homme qui vous prend sous sa protection auprès de Dieu et qui vous défend, et vous ne lui avez pas de reconnaissance, n’est-ce pas absurde ? Et comment cet homme, objecte-t-on, me défend-il ? Parce qu’il prie pour vous, parce qu’il se met à votre service, en vous communiquant le don spirituel du baptême ; Parce qu’il vous visite, vous exhorte, vous avertit ; au milieu de la nuit, si vous l’appelez, il va vous trouver ; il ne fait pas autre chose que de parler pour vous, et il supporte les malédictions dont vous l’accablez parfois. Quelle nécessité l’y a contraint ? A-t-il bien fait, ou mal fait ? Vous, vous avez une femme, et vous passez toute votre vie dans les délices, vous consacrez toutes vos heures au commerce ; le prêtre n’a qu’une affaire ; sa vie entière se passe attachée à l’Église. « D’avoir pour eux une affection singulière, à cause de l’œuvre qu’ils font, conservez la paix avec eux ». Voyez-vous la connaissance qu’il a des discordes qui s’élèvent ? Il ne dit pas seulement : Une affection, mais « une affection singulière », comme celle des fils pour leurs pères. En effet, ce sont pour vous des