Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voici la grâce que je vous demande : Si vous avez quelque chose contre nous, venez nous trouver, et recevez de nous notre excuse. « Reprenez votre prochain », dit l’Ecclésiaste, « sur ce qu’on l’accuse d’avoir dit, parce que peut-être il ne l’a point dit, reprenez-le sur ce qu’on l’accuse d’avoir fait, parce que peut-être il ne l’a point fait, et s’il l’a dit ou a fait, afin qu’il ne recommence pas ». (Sir. 19,13) En effet, ou nous nous excusons, ou nous sommes convaincus, et nous demandons notre grâce, et plus tard nous faisons nos efforts pour ne pas retomber dans les mêmes fautes. Voilà ce qui est utile, et pour vous et pour nous. Il vous arrivera peut-être, après avoir accusé sans raison, une fois que vous aurez compris la réalité des faits, de corriger votre jugement ; ou bien s’il arrive que nous ayons péché sans nous en apercevoir, nous nous en corrigerons en l’apercevant ; pour vous, il vous est funeste de juger témérairement, car un châtiment a été établi contre ceux qui prononcent une parole inutile. Pour nous, nous repoussons les accusations, aussi bien celles qui sont vraies, que celles qui sont mensongères ; les mensongères, en montrant qu’elles sont mensongères, les vraies, en ne nous y exposant pas davantage. Il est absolument nécessaire que celui qui a tant d’affaires à soigner, et ignore bien des choses, et pèche par ignorance. Si chacun de vous, ayant une maison à conduire, une femme, des enfants, des serviteurs, un peu plus ou un peu moins, dans tous les cas un bien petit peuple et facile à connaître, est exposé à une foule de fautes involontaires, soit qu’il ignore, soit qu’il veuille opérer quelque correction, à bien plus forte raison est-ce vrai de nous, qui sommes à la tête d’un si grand peuple.
Et que le Seigneur vous agrandisse encore et vous envoie ses bénédictions, sur les petits comme sur les grands. Car quelque accablante que soit la sollicitude que suscite un grand peuple, nous ne cessons pas pourtant de prier pour que notre sollicitude grandisse comme ce peuple, pour qu’il se multiplie, pour qu’il s’étende à l’infini. Les pères qui ont de nombreux enfants, et que souvent ces enfants tourmentent, ne consentent pourtant jamais à en perdre un seul. Entre vous et nous, c’est l’égalité, c’est le partage dès mêmes biens précieux.
Je n’ai pas une plus grande part, vous, une moindre part, à la table sainte ; vous et moi nous y participons également. Si je suis le premier, ce n’est pas une grande affaire ; parmi les enfants, l’aîné est le premier qui porte la main vers les mets, sa part toutefois n’en est pas plus grosse ; entre nous, c’est l’égalité, le salut, la satisfaction de nos âmes ; l’égalité d’honneur nous appartient à vous comme à moi. Je n’ai pas ma part d’un agneau ; vous, votre part d’un autre agneau ; c’est au même que nous participons tous ensemble ; c’est le même baptême pour vous et pour moi ; c’est d’un seul et même esprit que nous recevons tous lés dons ; c’est à la même royauté que nous prétendons, vous et moi ; frères du Christ au même titre, toutes choses nous sont communes ; en quoi donc ai-je plus que vous ? J’ai les soucis, les fatigues, les inquiétudes, les douleurs que je ressens pour vous ; mais rien de plus doux que cette douleur. Une mère souffrant pour son enfant, trouve des charmes dans cette souffrance ; elle est inquiète pour ses enfants et elle se fait une joie de ses inquiétudes. C’est que, si l’inquiétude est par elle-même une chose amère, quand on l’éprouve pour ses enfants, on y trouve des délices. Il en est un grand nombre de vous que j’ai enfantés, et ensuite sont venues les douleurs de l’enfantement. Qu’est-ce à dire ? Chez les mères selon le corps, les douleurs commencent et l’enfantement arrive ; chez nous, au contraire, les douleurs durent jusqu’au dernier soupir, dans la crainte que l’enfant ne devienne un avorton, et voilà ce qui cause nos alarmes ; car, si la génération vient souvent d’un autre, je n’en suis pas moins déchiré de soucis. En effet, nous n’engendrons pas de nous-mêmes, c’est l’œuvre uniquement de la grâce de Dieu. Mais si nous sommes deux pour produire l’enfantement par l’Esprit, vous aurez raison de dire que mes enfants sont les enfants de celui qui coopère avec moi, et que les enfants de celui qui coopère avec moi sont mes enfants. Méditez sur toutes ces choses, et donnez-nous votre main pour être notre gloire, et pour que nous soyons la vôtre, au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Puissions-nous tous le voir avec confiance, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.