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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/28

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inébranlable. J’ai parlé de mes chaînes : n’allez pas croire qu’elles m’humilient. Elles m’ont été tellement fécondes en biens solides, qu’elles ont augmenté le courage dans les autres et redoublé leur confiance. La honte n’est pas d’être prisonnier pour Jésus-Christ, mais bien de trahir par quelque endroit la cause de Jésus-Christ par la crainte des chaînes. Tant que je ne serai point un traître, les fers ne peuvent que me rendre plus confiant. Toutefois, mes frères, évitez un écueil : souvent j’ai échappé à des dangers imminents, et je puis en tirer gloire contre les infidèles ; eh bien ! si le contraire arrivait, n’allez pas croire que ce serait une honte ! Délivrance ou martyre doivent vous inspirer même confiance. Saint Paul se fait ici l’application personnelle d’un sort qui peut atteindre tous les chrétiens ; souvent il emploie cette façon de traiter une question ; ainsi quand il dit aux Romains : « Je ne rougis point de l’Évangile », (Rom. 1,16), ou aux Corinthiens : « J’ai proposé ces choses en ma personne et en celle d’Apollon ». (1Cor. 4,6) « Soit par ma vie, soit par ma mort », il ne parle pas dans l’ignorance de son avenir. Il savait qu’il ne mourrait pas à cette époque, mais plus tard toutefois il veut y préparer leurs âmes.
« Car Jésus-Christ est ma vie, et la mort m’est un gain (21) ». En mourant, en effet, je ne pourrai mourir, puisqu’en moi-même toujours je possède la vie. Ils m’auraient déjà tué, s’ils avaient pu, par la crainte, chasser la foi de mon cœur. Mais tant que Jésus-Christ sera avec moi, la mort dût-elle m’accabler, je vivrai, puisque dans cette vie même, vivre n’est pas ce qu’on suppose ; vivre pour moi, c’est Jésus-Christ ! Or si, tandis que je vis ici-bas, la vie présente n’est pas la vraie vie, qu’en sera-t-il donc dans l’éternité ? « Maintenant même que je vis dans la chair », a-t-il dit ailleurs, « je vis dans la foi ». Je le répète donc aujourd’hui même, continue-t-il : « Je vis ! non, ce c’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi ». Tel doit être le chrétien : Je ne vis pas, dit l’apôtre, de la vie commune. Comment donc vivez-vous, ô bienheureux Paul ? N’est-ce point, comme nous, du soleil que vous voyez ? de l’air que vous respirez ? des aliments qui servent à vous nourrir ? Vos pieds, comme les nôtres, ne foulent-ils point la terre ? N’avez-vous besoin ni de sommeil, ni de vêtements, ni de chaussures ? Pourquoi dites-vous : Non, je ne vis point ? Comment ne vivez-vous donc plus ? Quel langage prétentieux est le vôtre ! Mais non, tout cela n’est point parole d’orgueil. On pourrait, sans doute, les taxer d’enflure et de vaine gloire, si les faits n’attestaient le contraire ; mais devant ce témoignage des faits, où est encore l’ombre de prétention ? Apprenons donc comment l’apôtre ne vit plus ; car il le répète ailleurs équivalemment : « Je suis crucifié au monde, le monde est crucifié pour moi ». Gal. 6,14)
Quel est le sens de cette double assertion, d’une part : « Je ne vis plus » ; de l’autre « Ma vie, c’est Jésus-Christ ? » Comprenez-le, mes bien-aimés ! Le mot de « vie » est tellement significatif, je veux dire, il présente tant de significations différentes, qu’il peut désigner la mort même. Il y a cette vie, la vie du corps ; il y a la vie même du péché, puisque saint Paul dit ailleurs. « Si nous sommes morts au péché, comment pourrions-nous avoir encore la vie dans le péché ? » (Rom. 6,2) Il y a donc une vie du péché possible, hélas ! Écoutez-moi, suivez-moi bien, pour que nous ne perdions pas le temps. Il y a une vie immortelle et éternelle, qui est aussi la vie céleste… « Notre conversation est dans les cieux », dit-il quelque part. (Phil. 3,20) Il y a notre vie corporelle, dont il affirme que c’est « par Lui (Dieu) que nous avons la vie, le mouvement, l’existence ». (Act. 17,28) Ce n’est pas cette vie naturelle, que saint Paul affirme ne plus avoir ; c’est cette vie des péchés, dont vivent tous les hommes. Et il a raison de dire qu’il ne l’a plus. Vit-il encore dans le temps, celui qui ne désire plus la vie présente ? Vit-il dans le temps, celui qui vers un autre monde précipite sa marche ? Vit-il dans le temps, celui qui ne convoite plus ce qui est de la terre ? Un cœur de diamant serait en vain mille fois frappé ; rien ne l’entame : ainsi Paul ! « Je vis », nous dit-il, « non plus moi », c’est-à-dire, non plus le vieil homme, selon ce qu’il dit ailleurs : « Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Rom. 7,24) Répétons-le donc vit-il encore celui qui ne fait rien pour l’aliment, pour le vêtement, pour aucune chose de la vie présente ? Il faut avouer qu’un homme de cette trempe ne vit plus de la vie naturelle. Il est mort vraiment, celui qui n’a aucun souci des choses de la vie. Nous qui faisons