Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous révèle un grand mystère : l’apôtre était maître de son sort, puisque avoir le choix c’est être maître de l’avenir. — « Je ne sais que choisir », dit-il : ainsi tout dépend de vous ? Sans doute, répond-il, si je veux demander cette grâce à Dieu.
« Je me trouve pressé des deux côtés, ayant le désir (23) »… Remarquez la tendresse paternelle du bienheureux. Il veut encore ainsi les consoler, en leur faisant comprendre que son avenir est remis à son choix, qu’il ne dépend pas de la malice des hommes, mais de la providence de Dieu. Pourquoi donc, continue-t-il, vous chagriner de cette idée de la mort ? mieux aurait valu qu’elle m’eût enlevé depuis longtemps, « car être dégagé des liens du corps et habiter avec Jésus-Christ, c’est bien le meilleur ».
« Mais il est plus utile pour votre bien que je demeure en cette vie (24) ». Autant de paroles qui les préparaient à supporter généreusement la mort qui un jour frapperait l’apôtre ; autant de leçons de haute sagesse. « Il est bon d’être dégagé des liens du corps et d’être avec Jésus-Christ ». Car la mort elle-même est du nombre des choses indifférentes. Le malheur n’est point de mourir, c’est de souffrir après la mort un juste châtiment. Le bonheur, non plus, n’est point de mourir, c’est d’être avec Jésus-Christ après votre trépas. Ce qui suit la mort, voilà le bien ou voilà le mal.
4. Ainsi ne pleurons pas en général ceux qui meurent, et n’ayons non plus tant de joie pour ceux qui survivent. Que ferons-nous donc ? Pleurons sur les pécheurs, soit qu’ils meurent, soit qu’ils vivent. Réjouissons-nous sur les justes, soit qu’ils vivent, soit qu’ils meurent. Les premiers sont déjà morts tout vifs ; les autres, même moissonnés par la mort, vivent toujours. Les uns, même habitant ce monde, méritent la compassion de tous, puisqu’ils sont ennemis de Dieu ; les autres, même après le départ sans retour, sont heureux : ils sont allés à Jésus-Christ. Les pécheurs, quelque part qu’ils soient, dans ce monde ou dans l’autre, sont loin de leur roi et par conséquent dignes de pitié. Mais les justes, ici-bas ou au ciel, sont avec leur souverain, et bien plus heureux encore là-haut, parce qu’ils le voient de plus près, non plus dans un reflet, non plus dans la foi, mais, Paul le dit, face à face.
Non, tous les morts ne doivent pas être pleurés ; mais ceux-là seulement qui meurent dans leurs iniquités : à eux, nos lamentations, nos gémissements, nos larmes ; car enfin, dites-moi, quelle espérance reste-t-il encore, quand on s’en va, chargé de péchés, vers ce lieu où il n’est plus possible de dépouiller le péché ? Du moins, tant que dura leur séjour ici-bas, il restait une grande espérance : peut-être se convertiraient-ils ! Ils pouvaient s’amender ! Une fois partis pour l’enfer, ils n’ont rien à attendre de la pénitence même. « Qui, ô mon Dieu », s’écriait le prophète, « qui vous glorifiera dans l’enfer ? » (Ps. 6,6) Comment ne pas pleurer ces misérables ?
Pleurons donc ceux qui meurent ainsi ; je ne vous le défends pas ; pleurons ! non pas toutefois au mépris des bienséances, sans nous arracher les cheveux, sans nous dénuder les bras, sans nous déchirer le visage, sans revêtir de sombres livrées, mais en silence, mais avec les pleurs amers de notre âme. On peut bien pleurer avec amertume, sans y mettre cet appareil, sans en faire un jeu public : car c’est vraiment un jeu d’enfant, que la douleur de quelques personnes. Ces gémissements en pleines rues ne partent pas d’un vrai chagrin, mais c’est pure montre, ambition, vanité ! bien des femmes même en font métier ! Pleurez avec amertume, gémissez dans votre demeure, sans témoin : ce sera une véritable compassion, qui même vous deviendra salutaire. Qui pleure ainsi sérieusement s’étudie, en conséquence, à mériter d’autant moins un si redoutable malheur ; vous en concevez d’autant plus de crainte du péché à venir.
Pleurez les infidèles ; pleurez ceux qui leur ressemblent et sortent de ce monde sans avoir connu la lumière, sans avoir été marqués du sceau de la foi. Voilà ceux qui méritent et vos gémissements et vos larmes. Ils sont exclus de la cour céleste, avec les damnés, avec ceux dont l’arrêt est prononcé. « En vérité, si quelqu’un ne renaît pas de l’eau et du Saint-Esprit, il n’entrera pas dans le royaume céleste ». Pleurez les riches qui meurent au sein de leur opulence, sans avoir fait servir leurs richesses à la consolation de leurs âmes ; ceux qui avaient l’occasion de laver leurs péchés, et qui ne l’ont point voulu. Oui, ceux-là, que chacun de nous les pleure en public et en particulier, mais sans jamais nous écarter des bienséances, mais en gardant toujours la