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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/403

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soi, lorsqu’elle n’est pas tempérée par la supplication. De même qu’une incision ne serait pas endurée par le patient, quelque salutaire qu’elle fût, si elle n’était accompagnée d’adoucissements ; ainsi en est-il de la réprimande. – « En toute patience et en vue de l’instruction ». Celui qui veut convaincre a besoin de patience pour ne pas croire trop légèrement tout ce qu’on lui dit. Quant à la réprimande il faut qu’elle soit tempérée par la douceur pour se faire accepter. Après avoir dit : « En toute patience », il ajoute : « Et en vue de l’instruction ». Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire, en témoignez ni colère, ni aversion, ni intention d’insulte comme si vous aviez affaire à un ennemi, gardez-vous-en bien. Au contraire, faites voir à ce pécheur que vous l’aimez, que vous compatissez à sa misère, que vous en avez plus de douleur que lui-même, que vous êtes profondément affligé de son sort. – « En toute patience et en vue de l’instruction », non pas d’une instruction telle quelle, mais saine.

2. « Car il viendra un temps que les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine ». Avant que tout soit renversé et désespéré en eux, hâtez-vous de les prévenir. Voilà pourquoi il disait : Pressez à temps, et à contretemps ; ne négligez rien pour avoir des disciples dociles. – « Mais cédant à leurs passions, ils se donneront des tas de docteurs ». Rien de plus énergique que cette expression. « Tas de docteurs » marque la multitude confuse des docteurs de l’erreur ; « ils se donneront » signifie qu’ils les choisiront et les ordonneront eux-mêmes. « Ils se donneront à eux-mêmes des tas de docteurs, dans leur démangeaison d’entendre » ; c’est-à-dire qu’ils rechercheront ceux qui parlent pour plaire à l’esprit et pour chatouiller l’oreille. – « Et fermant l’oreille à la vérité, ils l’ouvriront à des fables ». Il le prévient de ces choses, non pour le jeter dans l’abattement, mais afin de le mettre en état de les recevoir avec courage lorsqu’elles arriveront. Jésus-Christ en a usé de même lorsqu’il a dit à ses disciples : « Ils vous livreront, ils vous fouetteront, ils vous traîneront, dans leurs synagogues à cause de mon nom ». (Mat. 10,17) Notre saint apôtre dit aussi ailleurs : « Je sais qu’il viendra après mon départ des loups dévorants qui n’épargneront pas le troupeau ». (Act. 20,29) Il donnait ces avertissements aux prêtres pour les rendre vigilants et pour les exciter à user sagement du temps favorable que Dieu leur donnait encore. – « Pour vous, veillez, souffrez constamment toutes sortes de travaux ». Voyez-vous que c’était à cette conclusion que tendaient les paroles précédentes ? Jésus-Christ, peu avant sa mort, avait dit : « Il s’élèvera à la fin des temps de faux christs et de faux prophètes ». Et saint Paul, à la veille de quitter ce monde, dit avec une intention pareille : « Pour vous, veillez, souffrez constamment… » c’est-à-dire, travaillez, prévenez le fléau avant qu’il arrive, hâtez-vous de mettre les brebis en sûreté, tandis que les loups ne sont pas encore venus.

« Souffrez, travaillez, faites la charge d’un évangéliste, remplissez tous les devoirs de votre ministère ». C’est donc faire la charge d’un évangéliste que de souffrir, que de s’affliger soi-même et d’être affligé par les autres. – « Remplissez tous les devoirs de votre charge ». Ceci est encore un autre motif de travail. – « Car pour moi je suis déjà comme offert en libation, et le temps de la dissolution de mon être approche ». Il ne dit pas : Mon immolation ; il se sert d’un terme plus fort. Car la victime qu’on immole n’est pas tout entière offerte à Dieu, au lieu que la libation l’est en entier. – « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi ». Souvent, prenant saint Paul en main, j’ai examiné ce passage, et, sans pouvoir sortir de mon étonnement, je me suis demandé quelle raison avait le saint apôtre de parler de lui-même si avantageusement. « J’ai combattu le bon combat », dit-il. Cette raison, je crois maintenant l’avoir trouvée, par la grâce de Dieu. Pourquoi donc tient-il ce langage ? Il veut consoler l’extrême tristesse de son disciple ; il l’engage à prendre confiance, puisque son maître s’en va pour recevoir la couronne qu’il a méritée puisqu’il a achevé sa tâche, puisqu’il aura une belle et glorieuse fin. Il faut se réjouir, dit-il, et non s’attrister. Pourquoi ? Parce que « j’ai combattu le bon combat ». L’apôtre fait comme un bon père sur le point de mourir, lequel, voyant son fils inconsolable de se trouver bientôt orphelin, lui dirait pour le consoler : Ne pleurez pas, mon fils ; j’ai vécu avec honneur ; je suis arrivé à une heureuse vieillesse, je puis vous quitter, je vous lègue l’exemple d’une vie sans tache ; ma gloire, quand je ne