Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/524

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

car je leur pardonnerai leurs iniquités, et je ne me souviendrai plus de leurs péchés (11, 12) ». Voici un autre signe : Du petit au grand, dit-il, on me connaîtra ; on ne dira plus : Connaissez le Seigneur. Quand donc s’est réalisée cette prédiction, sinon maintenant ? car notre grande révélation chrétienne a éclaté partout ; et la leur, loin d’être ainsi manifeste, est enfermée dans un étroit recoin. On dit qu’une chose est nouvelle, quand elle est tout autre, ou quand elle montre ce que n’avait pas celle qui l’a précédée. Une chose encore devient nouvelle quand on en retranche une forte partie sans toucher au reste. Par exemple, que quelqu’un répare une maison qui menace ruine, et que sans touchera l’ensemble de la construction, il en refasse les fondations, nous dirons aussitôt Il a fait une maison neuve, parce qu’il a enlevé certaines parties qu’il a remplacées par d’autres. Nous disons aussi que le ciel est nouveau, quand, cessant d’être d’airain, il nous verse la pluie ; ainsi encore parlons-nous d’une terre qui cesse d’être stérile, sans avoir été changée autrement ; ainsi appelons-nous édifice rieur celui dont on retire certaines parties en respectant les autres. Saint Paul a donc eu raison d’appeler nouvelle notre alliance, pour montrer que la précédente a vieilli, étant devenue absolument inféconde. Pour vous en convaincre, lisez les reproches d’Aggée, de Zacharie, de l’ange ; lisez spécialement les griefs d’Esdras contre le peuple, comment il fut reçu, lorsqu’ils étaient transgresseurs, et qu’ils ne s’en doutaient même pas. – Voyez-vous comment votre alliance a été violée et supprimée, comment l’a mienne mérite à bon droit le titre de nouvelle ?
Je n’admets pas d’ailleurs que ce texte : « Il y aura un ciel nouveau » (Is. 65,17), ait été dit dans le sens indiqué tout à l’heure. En effet, lorsque Dieu, dans le Deutéronome, annonce que le ciel serait d’airain, il n’a pas ajouté cette antithèse : Si au contraire vous obéissez, le ciel sera nouveau ; mais il déclare que c’est parce que les juifs n’ont point gardé la première alliance qu’il en donnera une nouvelle. Je la prouve par ces paroles de l’apôtre lui-même : « Car ce qui était impossible à la loi, qui était affaiblie parla chair » ; et ailleurs : « Pourquoi tentez-vous Dieu, en imposant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères, ni nous-mêmes n’avons pu porter ? » (Rom. 8,3 ; Act. 15,10) Puisqu’ils n’ont pas persévéré, dit-il. Ceci montre que nous sommes honorés de faveurs plus grandes et plus spirituelles. « Car », dit-il, « leur voix a retenti par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde ». C’est l’explication du texte : « Chacun ne dira plus à soit prochain : Connaissez le Seigneur », et ailleurs : « La terre sera remplie de la connaissance du Seigneur, comme la mer jadis l’a couverte de ses flots » : (Hab. 2,14)
« Or, en appelant cette alliance une alliance nouvelle, il a mis la première au rang des choses « vieillies et passées. Or, ce qui passe et vieillit, est proche de sa fin (13) ». Voyez comme il a dévoilé ce qu’il a de plus caché, la pensée même du Prophète. Il a honoré la loi, et n’a pas voulu t’appeler vieille en toutes lettres ; mais il a dit qu’elle l’était cependant. Car si elle était nouvelle, il ne donnerait pas cette qualification de nouvelle à la nôtre. Ainsi Dieu donnant davantage, dit-il, par là même a mis la précédente alliance au rang des choses antiques. Donc elle se dissout et s’éteint, elle n’est déjà plus. Encouragé par le Prophète, il poursuit utilement ce thème, montrant que notre religion est florissante, par cela seul que l’autre alliance est usée. Prenant ensuite ce terme de chose antique, il en ajoute un autre encore, celui de chose vieillie, et le coup de grâce se déduit aussitôt des qualifications susdites : « Elle est », dit-il, « proche de sa fin ». Ce n’est donc pas, à proprement parler, la nouvelle alliance qui a détruit l’ancienne ; c’est que celle-ci vieillit, c’est qu’elle est devenue inutile. Voilà pourquoi il disait : A raison de son impuissance et de son inutilité ; et encore : La loi n’a rien mené à la perfection ; et : Si la première alliance avait été sans défaut, on ne chercherait pas la place d’une seconde. Qu’est-ce qu’être sans défaut ? C’est être utile, puissant. Il parle ainsi, non que la loi doive être accusée positivement ; mais, la voyant insuffisante, il s’exprime plus simple ; ment, comme si l’on disait : Votre maison n’est pas sans défaut ; c’est-à-dire, elle a quelque vice de construction ; elle n’est c’est-à-dire, ferme ni solide ; votre vêtement n’est pas sans défaut ; c’est-à-dire il s’en va. Il ne dit donc pas que l’alliance antique fut mauvaise, mais qu’elle laissait prise au blâme, aux accusations.
4. Ainsi nous sommes nouveaux, ou plutôt, nous l’avons été, car maintenant nous avons vieilli, et partant nous sommes près de la mort. Toutefois, si nous le voulons, nous pouvons conjurer, réparer cette caducité honteuse. Nous ne le pouvons plus par le baptême, mais nous le pouvons par la pénitence. Si nous avons quelque symptôme de vieillesse, rejetons-le ; si déjà nous comptons quelque ride, quelque tache, quelque souillure, sachons tout effacer et recouvrons notre beauté première, afin que le Roi nous aime dans cette beauté renouvelée. Bien, que tombés peut-être dans une laideur extrême, il nous est permis de retrouver ce charmé et cette grâce dont parle ainsi David : « Écoutez, ô ma fille, voyez, prêtez l’oreille, oubliez votre peuple et la maison de votre père, et le roi sera épris dé votre beauté ». Ce n’est pas l’oubli qui fait la beauté de l’âme. Quel oubli est donc ici désigné ? L’oubli des péchés. Car le Prophète s’adresse à l’Église appelée du milieu des nations païennes, et lui conseille de ne pas se souvenir de ses pères, de ceux sans doute qui sacrifiaient aux idoles ; c’est parmi eux, en effet, qu’elle a été choisie. Et il ne lui dit pas : N’en approchez point ; mais ce qui est bien autrement fort : N’en concevez plus même la pensée ! Ce qui s’accorde avec cet autre passage : « Je ne me souviendrai plus même de leurs noms sur mes lèvres » ; et ailleurs. « Puisse ma bouche ne pas parler des rouvres de ces hommes ! » (Ps. 15,4 et 16,4) Ceci n’est pas, encore d’une grande vertu, ou plutôt c’est une vertu déjà grande, mais non parfaite. Car que dit-il ici ? Il ne s’arrête pas à cet avis : Ne parlez pas le langage de vos pères ; il