Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Abraham, capable de croire des choses contradictoires en apparence. « Ils ne craignirent pas », dit-il, « l’édit du roi ». Et cependant cet édit s’exécutait cruellement ; leur foi, au contraire, n’était qu’une attente sans motif et sans preuve. Voilà l’exemple des parents de Moïse : et lui-même n’y fut pour rien alors ; mais l’apôtre va nous montrer aussitôt le grand exemple du fils aussi, qui dépasse de beaucoup celui des parents
« C’est par la foi que Moïse devenu grand, renonça à la qualité, de fils de la fille de Pharaon, et qu’il aima mieux être affligé avec le peuple de Dieu, que de jouir du plaisir si court qui se trouve dans le péché ; jugeant que l’ignominie de Jésus-Christ était un plus grand trésor que toutes les richesses de l’Égypte, parce qu’il envisageait la récompense (24-26) ». L’apôtre semble dire aux Hébreux : Personne d’entre vous n’a quitté un palais, et un palais glorieux, et des trésors immenses ; nul parmi vous n’a méprisé, comme Moïse, l’honneur dé pouvoir être le fils d’un roi. Et pour montrer que Moïse a quitté tout cela, non par hasard ou sans réflexion, saint Paul dit : « Moïse y renonça », c’est-à-dire, il prit ces grandeurs en haine et leur tourna le dos. Car, en face du ciel que Dieu lui proposait, t’eût été folie que d’admirer la cour d’Égypte.
3. Et voyez comme saint Paul met tout en lumière. Il ne dit pas que Moïse ait préféré aux trésors des Égyptiens et comme fortune plus belle, le ciel et les biens qu’il nous garde ; mais qu’il leur a préféré, quoi donc ? l’ignominie de Jésus-Christ ; pour lequel il a choisi d’être accablé d’opprobres, plutôt que de vivre dans le repos et la tranquillité d’esprit. Cette conduite portait déjà avec elle-même sa noble récompense. – « Préférant être affligé avec le peuple de Dieu ». Vous, Hébreux, vous souffrez pour vous personnellement ; mais lui, c’est par choix et pour les autres ; c’est de sa volonté et par goût qu’il s’est jeté lui-même en des périls si nombreux, lorsqu’il lui était permis de vivre religieusement et de jouir en même temps du bien-être. « Plutôt que de jouir du plaisir si court qui se trouve dans le péché ». Le péché, selon l’apôtre, était de renoncer à souffrir avec les autres ; du moins, Moïse y vit un péché. Si ce grand homme regarda comme un crime de ne point prendre courageusement part à l’affliction commune, l’affliction est donc un grand bien. Il s’y précipita, des splendeurs mêmes d’un palais, et il agit ainsi en prévision de certaines grandes choses, que nous révèlent les paroles qui suivent : « Jugeant que l’ignominie de Jésus-Christ « était un plus grand trésor que toutes les riches« ses des Égyptiens ».
Qu’est-ce que « l’ignominie de Jésus-Christ ? » C’est, chers Hébreux, ce que vous souffrez vous-mêmes, ce que Jésus-Christ a souffert ; ou bien encore, c’est ce que Moïse souffrit pour Jésus-Christ pendant qu’il endurait les outrages pour cette pierre mystérieuse d’où il tira des torrents d’eau ; « cette pierre, en effet, était Jésus-Christ », dit l’apôtre (1Cor. 10,4) Comment encore l’opprobre de Jésus-Christ ? C’est que, pour lui, nous sommes expulsés de nos patrimoines, chargés d’outrages, accablés de souffrances, parce que nous mettons en Dieu notre refuge.
Il est vraisemblable encore que Moïse se sentit bien outragé, quand on lui disait : « Veux-tu donc « me tuer, comme tu as hier tué l’égyptien ? » (Ex. 2,14) L’opprobre de Jésus-Christ, c’est ce qui expose vos jours mêmes, et vous fait supporter la souffrance jusqu’au dernier soupir. Ainsi le Sauveur lui-même était couvert d’opprobres quand on lui disait : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix » (Mt. 27,40), et que ces paroles sortaient des lèvres de ses bourreaux, de ses compatriotes mêmes, des Hébreux. C’est l’opprobre de Jésus-Christ, que celui que vous essuyez de la part de vos proches et de ceux-là mêmes que vous comblez de vos bienfaits. Moïse, en effet, recevait cet outrage d’un homme qu’il avait sauvé. Relevant donc le courage de ses disciples, saint Paul leur montre des modèles de souffrances dans Jésus-Christ et dans Moïse, ces deux illustres personnages. Il leur fait voir ici que, bien plus que Moïse, Jésus-Christ souffrit l’opprobre, puisqu’en réalité il fut immolé par les siens. Et toutefois, il ne lança pas la foudre ; il n’éprouva aucun sentiment pareil ; mais accablé d’injures, il supportait tout, à l’heure ou en face de lui, ses ennemis branlaient leurs têtes insolentes. Comme donc, très-probablement, les disciples entendaient des malédictions semblables, et qu’ils désiraient leur récompense, l’apôtre déclare que Moïse et Jésus-Christ ont souffert les mêmes épreuves. Le repos et la tranquillité de l’âme, en pareil cas, c’est le péché ; l’opprobre, c’est le parti de Jésus-Christ. Chrétien, que préfères-tu, de cet opprobre de Jésus, ou de ton bonheur et de ta sécurité ?
« C’est par la foi qu’il quitte l’Égypte, sans craindre la fureur du roi : car il l’affronta, voyant notre invisible Dieu comme s’il était visible (7) ». Saint apôtre, que dites-vous ? « Moïse ne craignit pas ! » L’Écriture, au contraire, déclare qu’informé de tout, il craignit, qu’il chercha son salut dans la fuite, qu’il s’enfuit vraiment, qu’il se cacha, que désormais il prit toutes les précautions de la crainte. – Cher auditeur, prêtez la plus grande attention à ce que vous avez entendu. Ces mots : « Sans craindre la fureur du roi », l’apôtre les écrit en vue de ce qui arriva plus tard, quand Moïse se présenta lui-même devant le souverain. Moïse eût prouvé sa crainte, en n’essayant plus de défendre et de sauver sa nation, en refusant même de l’entreprendre ; mais dès qu’il ose y mettre la main de nouveau, il est bien l’homme qui se confiait en tout et pour tout à Dieu seul. Il ne dit pas : Le roi me cherche, me poursuit activement, et je n’ai garde, moi, de m’exposer par une nouvelle entreprise. Sa fuite ne fut donc pas un manque de foi.
Mais pourquoi ne pas plutôt rester en Égypte, dira-t-on ? – Pour ne pas se jeter dans un péril évident et prévu. Il eut tenté Dieu, puisqu’il se serait précipité de lui-même au milieu des dangers avec cette parole téméraire : Je veux voir si Dieu me sauvera ! Le démon précisément dit à Jésus-Christ : « Jetez-vous en bas ! » (Mt. 4,6) Comprenez donc combien est diabolique la témérité, qui se