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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/571

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de s’élever ; mais il savait aussi que toutes ces grâces lui venaient de ce qu’il avait soin de ne pas s’exalter et de ne point gâter son trésor. En effet, parmi toutes les nations, sur toute la terre habitée, on chantait la louange de Daniel, non pas seulement parce qu’un roi s’était prosterné devant lui, ni parce qu’il lui avait offert des libations et tout un culte divin, au moment où ce roi lui-même était honoré comme un Dieu. Cette gloire adorée de Nabuchodonosor est certaine, d’après Jérémie : « Il a revêtu », dit-il, « la terre comme un manteau ». (Jer. 27,6) « Car », dit Dieu ailleurs, « je l’ai donnée à Nabuchodonosor mon serviteur ». Or ces textes, et les lettres de ce roi prouvent cependant que Daniel n’était pas admiré seulement dans l’empire de ce prince, mais que ce Prophète était connu partout, qu’il était admiré dans toutes les nations plus encore que si elles l’avaient vu personnellement, surtout après que le roi eût avoué dans sa lettre mémorable, et le miracle opéré pour le Prophète, et l’hommage que lui-même rendait à sa sagesse. « Êtes-vous donc », disait l’Écriture, « plus sage que Daniel ? » Avec tous ces titres de gloire, il était humble jusqu’à désirer de mille fois mourir pour son Dieu.
5. Or, je le demande encore une fois : pourquoi, tout humble qu’il était, n’a-t-il repoussé ni ce culte, ni ces oblations quasi sacrées que lui fit un grand roi ? Je ne résoudrai pas ce problème ; il me suffit de l’avoir posé. Quant à la solution, je vous la laisse, pour exciter, si je le puis, l’effort de votre intelligence. Je ne veux que vous intimer un commandement ou plutôt un avis : c’est de diriger en tout votre liberté selon la crainte de Dieu, puisque vous avez de si nobles exemples, et que, d’ailleurs, les biens mêmes de la terre seront à nous, si bien franchement nous poursuivons les biens à venir. Que Daniel, en effet, n’ait point agi sous l’inspiration de l’orgueil, nous en avons une preuve évidente dans cette protestation qu’il fait : « Prince, gardez vos présents ! » (Dan. 5,17) Et toutefois une seconde question se présente ici ; comment, si prompt à tout repousser en paroles, accepte-t-il l’honneur réellement et en effet, comment se revêt-il du riche collier ? Hérode-Agrippa, lui, s’entend applaudir : « C’est la voix d’un Dieu, disait-on, et non pas celle d’un « homme » (Act. 12,22) ; et parce qu’il n’a pas rendu gloire à Dieu, ses entrailles crèvent et se répandent honteusement. Daniel, au contraire, accepte les honneurs divins, et non pas seulement des paroles d’apothéose. Voilà un point nécessaire à expliquer. Dans le fait d’Hérode, les hommes tombaient dans une idolâtrie pire que leur paganisme habituel ; dans celui du Prophète, il n’en va pas de même. Comment cela ? C’est que l’idée qu’on s’était faite de Daniel rendait honneur à Dieu, puisque le Prophète avait dit précédemment : « Je le sais, mais non d’après la sagesse que je puis avoir par moi-même ». D’ailleurs, on ne voit pas qu’il accepte ces offrandes, ce culte. Le roi dit bien, sans doute, qu’il faut les offrir : mais il n’est rien moins que certain que cette pensée ait été mise à exécution.
Quant aux apôtres, déjà à Lystre, on amenait les taureaux pour les leur immoler ; déjà l’on appelait Barnabé, Jupiter, et Paul, Mercure. Le sacrifice commençait. Daniel accepta le collier, pour se faire reconnaître ; mais pourquoi ne parait-il pas repousser l’offrande sacrée ?… Dans le fait apostolique, les païens ne l’ont point réalisée ; mais l’attentat sacrilège en fut fait, et les apôtres le condamnèrent… Cependant Daniel devait aussi, ce semble, repousser aussitôt un culte impie ? En face des apôtres, se trouvait tout un peuple à édifier ; en face de Daniel, un peuple et son roi. Pourquoi donc ne détourna-t-il pas le roi de Babylone de cette idée idolâtrique ? Je l’ai dit : c’est que le prince ne lui faisait pas cette offrande comme à un Dieu et pour détruire la vraie religion, mais pour arriver à un fait plus miraculeux. Comment ? C’est qu’il fit un édit en faveur du vrai Dieu, le reconnaissant comme le Seigneur. Ainsi, il n’altérait pas l’honneur qui lui est dû. Les habitants de Lystre, au contraire, n’avaient point ces pensées ; mais ils regardaient les apôtres comme des dieux, et ceux-ci repoussèrent leurs hommages. Le roi Babylonien commence par adorer Daniel ; puis il lui fait l’offrande que vous savez. Or, quand il l’adore, ce n’est pas comme un dieu, mais comme un sage. Puis, il n’est pas certain qu’il lui ait fait des offrandes superstitieuses. Enfin, les eût-il faites, il les a faites sans que Daniel les agréât. Et si vous demandez pourquoi il lui donna le nom de Baltassar, qui est un nom de divinité chez eux, je réponds que cela prouve le peu d’estime que ce peuple avait de ses propres dieux, puisque leur nom ; de par l’empereur, est attribué à un captif ; puisque ce roi faisait adorer à tout son peuple une statue d’or, et que lui-même adorait un dragon. – Ainsi Babylone renfermait des multitudes tout autrement folles que celles de Lystre. Aussi Daniel ne pouvait-il sitôt les amener ait vrai.
Si donc nous voulons gagner tous les biens, cherchons d’abord ceux qui ont rapport à Dieu. Car de même que ceux qui cherchent les faux biens de ce monde, perdent à la fois ceux du temps et ceux de l’avenir, ainsi ceux qui donnent la préférence aux choses de Dieu, gagnent les uns avec les autres. Ne poursuivons donc pas ceux-là, mais plutôt ceux-ci ; et nous pourrons de la sorte gagner les biens que Dieu promet, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.