Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/576

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et si un autre nous le dit, n’en soyons pas indignés. Que si nous savons nous accuser comme coupables de fautes sans nombre, mais que nous répondions par la colère aux accusations du prochain, évidemment nous n’avons ni humilité, ni confession, mais au contraire, ostentation et vaine gloire. – Comment, direz-vous ! Est-ce donc ostentation que de s’appeler pécheur ? – Oui, c’est ostentation, puisque nous cherchons jusque dans l’humilité, la gloire et l’estime publiques ; nous voulons qu’on nous admire, qu’on nous loue. Ici donc encore nous agissons pour la gloire. Qu’est-ce, en effet, que l’humilité ? Consiste-t-elle à supporter les outrages dont on nous accable, à reconnaître nos péchés, à accepter les malédictions ? Non ; là n’est pas encore l’humilité, mais seulement la candeur et la simple droiture de l’âme. Nous avouons de bouche notre condition de pécheur, notre indignité, et nos autres misères semblables ; mais qu’on nous fasse seulement un reproche pareil, nous perdons patience, la colère nous monte ! Voyez-vous que notre conduite n’est point une humble confession, pas même un acte de droiture et de franchise ? Puisque vous vous êtes déclaré tel, souffrez donc sans colère qu’un autre vous le dise et vous accuse ; vos fautes, en effet, deviennent ainsi moins lourdes à votre conscience, quand vous en acceptez le reproche de la bouche des autres ; ils prennent sur eux votre propre fardeau, et vous font entrer dans la vraie sagesse.
Écoutez ce que disait un saint, le roi David, quand Séméi le maudissait. « Laissez-le m’insulter. Le Seigneur le lui a commandé, afin de voir mon humilité ; le Seigneur me rendra le bien en retour des malédictions que cet homme me lance aujourd’hui ». (2Sa. 16,10) Et vous qui dites de vous-même tout le mal imaginable, vous vous emportez parce que vous n’entendez pas des lèvres d’autrui un éloge et des louanges réservées à de grands saints ! Vous voyez bien que vous jouez indignement dans un sujet qui n’admet pas un tel jeu ! Car, c’est repousser la louange par soif d’autres louanges, pour gagner même de plus grands éloges, pour acquérir une plus large admiration. En repoussant ainsi certains compliments, on a en vue de s’en attirer de plus beaux ; nous faisons tout dès lors pour la vanité et non pour la vérité ; dès lors aussi toutes nos couvres sont vides et douteuses. Je vous en supplie donc, fuyez désormais, du moins, cette vaine gloire, et vivons selon la volonté de Dieu, pour acquérir un jour les biens promis en Jésus-Christ Notre-Seigneur.


HOMÉLIE XXVIII.


LES SAINTS ONT ÉTÉ VAGABONDS, COUVERTS DE PEAUX DE CHÈVRES ET DE BREBIS, MANQUANT DE TOUT, AFFLIGÉS, PERSÉCUTÉS. (CHAP. 11,37, JUSQU’À XII, 3)

Analyse.

  • 1-3. Vertus d’Élie et des autres saints du désert ; leur vie semblable, pour les peines, à celle des Hébreux. – L’exemple des saints nous anime : celui de Jésus-Christ nous transporte.
  • 4 à 7. La souffrance nous est enseignée par la passion de Jésus-Christ et par ses exhortations. – La pauvreté, que saint Paul nous apprend par ses paroles et ses exemples. – L’enfer, indiqué en passant comme le plus grand de tous les maux ; le ciel, comme le plus grand de tous les biens. – Le luxe des valets et des équipages surtout pour les femmes. – Très-curieux détails. – Le luxe des vêtements, toujours pour les femmes. – Longue et magnifique apostrophe, où toutes les philippiques modernes peuvent s’inspirer. – La beauté vraie et la virginité de l’âme. – Idées sublimes.


1. Il est un sentiment que j’éprouve toujours, mais surtout quand je réfléchis aux exemples de droiture et de vertu des saints. Je me prends à désespérer de moi, à me décourager, en voyant que nous n’acceptons pas même en rêve d’entreprendre les œuvres et la conduite dont les saints ont fait l’expérience pendant toute leur vie ; eux qui ont enduré de perpétuelles afflictions, non seulement pour l’expiation de leurs péchés, mais par le seul amour de la vertu. Et tenez, étudiez seulement Élie, auquel en ce jour notre sujet nous ramène ; car c’est de lui que l’apôtre a écrit : « Les saints ont été vagabonds sous de pauvres vêtements ». C’est par ce Prophète qu’il clôt la liste des exemples qu’il propose aux Hébreux ; et il n’a garde de l’oublier, parce qu’il leur est en quelque sorte un fait personnel et familier. Il vient de dire en parlant des apôtres, qu’on les a vus mourir sous le tranchant de l’épée ou sous les pierres de la lapidation ; mais il revient aussitôt à Élie, qui a subi les mêmes épreuves que les Hébreux. Sans doute qu’il ne leur suppose pas autant d’enthousiasme pour les apôtres, et c’est pourquoi il les ramène à ce Prophète qui fut enlevé vivant au ciel et qui avait joui d’une immense admiration, afin d’être plus sûr de les consoler et de les ranimer.
« On les a vus », dit-il, « errants, couverts de peaux de brebis et de chèvres, abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n’était pas digne (38) ». Ils n’avaient pas de vêtements, remarque-t-il, point de patrie, point de maison, pas même de retraite, tant était grande leur tribulation ; semblables, en ce dernier trait, à Jésus-Christ qui disait : « Le Fils de l’homme n’a pas