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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/59

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biens ou les ornements du corps vous l’emportez sur tous les hommes, et qu’en même temps vous soyez privés de ceux de l’âme, comment ne seriez-vous pas au-dessous de la bête ? Car, enfin, mettons en scène un pécheur de ce genre, dont la vie s’écoule à braver la saine raison, à pratiquer le vice, à chercher les plaisirs et les excès. Il n’en est pas moins vaincu par la brute : le cheval est plus belliqueux, le sanglier plus fort, le lièvre plus agile, le paon plus beau, le cygne plus mélodieux ; l’éléphant l’emporte par la taille, l’aigle par la vue, tous les oiseaux sont plus riches. Par quel côté dès lors méritez-vous de dominer sur les bêtes ? Par votre raison peut-être ? Mais non ; dès que vous en faites un mauvais usage, vous devenez pires que les brutes. Doués de cette raison vous vivez, moins qu’elles, d’une manière conforme à la raison ; mieux valait pour vous que le Créateur ne vous l’eût point donnée dans l’origine. Il est bien plus malheureux de livrer lâchement un trône dont vous êtes l’héritier, que de ne jamais en avoir hérité. Un roi inférieur à ses satellites aurait gagné à ne pas revêtir la pourpre. Telle est aussi votre histoire !

Comprenons donc qu’à défaut de pratiquer la vertu, nous nous ravalons au-dessous de la bête ; que tous nos soins se portent à la pratiquer, et nous deviendrons des hommes, ou plutôt des anges, et nous jouirons des biens promis par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc, etc.

HOMÉLIE VIII.

AINSI, MES BIEN-AIMÉS…, OPÉREZ VOTRE SALUT AVEC CRAINTE ET TREMBLEMENT… CAR C’EST DIEU QUI OPÈRE EN NOUS LE VOULOIR ET LE FAIRE. (CHAP. II, 12 18)

Analyse.

  • 1 et 2. Les Philippiens exhortés à bien agir, d’après leurs propres exemples. — Le salut doit se faire avec crainte et tremblement, par la pensée de la présence de Dieu. — La grâce de Dieu et notre libre arbitre conciliés par l’apôtre. — Agir sans murmure ni hésitation.
  • 3 et 4. Le saint apporte l’exemple de Job souffrant sans murmure. — Longs développements. — La vertu brille dans la douleur, comme les étoiles dans la nuit sombre. — Les peines, vrais sujets de joie : ne pleurer la mort ni des justes ni des pécheurs eux-mêmes.

1. Les avis, doivent être tempérés par les éloges : ainsi est-on sûr qu’ils seront bien accueillis, puisque les personnes averties de la sorte se verront invitées à rivaliser avec elles-mêmes. Telle est ici la sainte tactique de l’apôtre, et voyez sa sagesse à l’employer. « Ainsi donc, mes bien-aimés… » Il ne dit pas sans détour et brusquement : Chrétiens, obéissez ! mais il emploie d’abord cette apostrophe élogieuse, et il ajoute même : « Comme vous avez toujours obéi. », c’est-à-dire, je vous engage et je vous supplie d’imiter non pas les autres, mais vous-mêmes. « Non-seulement, lorsque je suis présent, mais encore plus lorsque je suis éloigné de vous… » Pourquoi plus encore en mon absence ? Parce que, moi présent, vous paraissiez peut-être agir par respect, par honneur pour ma personne ; maintenant ce motif n’existe plus. Si vous persévérez maintenant dans les mêmes sentiments et les mêmes vertus, il deviendra évident que vous y êtes déterminés, non par égard pour moi, mais par le seul amour de Dieu. Alors, bienheureux Paul, pour vous-même que demandez-vous ? Je ne demande pas que vous m’écoutiez, mais que vous opériez votre salut avec crainte et tremblement. Impossible, à qui n’a point cette crainte, de faire une œuvre tant soit peu grande et admirable.

L’apôtre, non content de réclamer ici « la crainte », demande même le tremblement », qui est une autre sorte d’appréhension plus grande et plus vive ; son but est de les rendre plus attentifs encore. Au reste, lui-même éprouvait cette crainte quand il écrivait :