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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/86

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HOMÉLIE XII.

MES FRÈRES, JE NE CROIS PAS AVOIR SAISI LE PRIX ; TOUT CE QUE JE FAIS, C’EST D’OUBLIER CE QUI EST DERRIÈRE MOI, POUR TENDRE EN AVANT… (CHAP. 3,13 A 17)

Analyse.

  • 1. L’apôtre oublie le terrain gagné, et ne veut qu’aller en avant et franchir le reste de sa course.
  • 2. Et nous aussi, avançons dans le bien ; Dieu nous regarde ; l’apôtre nous précède.
  • 3. Exhortation sur l’imitation des saints. — Les saints sont nos modèles. — Jésus-Christ est notre maître et notre premier modèle. — Toutes les conditions trouvent leur type parfait dans les saints livres.
  • 4. La vertu, source unique du bonheur, se concilie avec tous les états de l’homme.


1. Il n’est rien pour rendre inutiles nos bonnes œuvres et pour nous gonfler d’orgueil, comme le souvenir complaisant du bien que nous avons fait. Deux maux en résultent pour nous : une négligence plus grande, une vanité plus exaltée. Aussi Paul, sachant que notre nature est invinciblement portée à la paresse, ayant d’ailleurs prodigué l’éloge aux Philippiens, se hâte, vous le voyez, de rabaisser toute enflure ; il l’a fait déjà précédemment de plusieurs manières, mais en ce passage surtout, il n’a pas d’autre but. Ainsi : « Mes frères », dit-il, « je ne crois pas avoir saisi ce vers quoi je tends ». Que si Paul ne tient pas encore le prix, s’il n’est pas pleinement sûr de sa résurrection glorieuse ni de son avenir, bien moins doivent l’être ceux qui n’ont pas encore gagné la moindre partie de semblables mérites. Voici, du reste, sa pensée : Je ne crois pas avoir atteint encore la vertu toute entière, comme on dit d’ordinaire d’un coureur : Il ne tient pas encore le but. Ni moi non plus, dit saint Paul, je n’ai pas parcouru toute la carrière. Il est vrai qu’ailleurs il s’exprime autrement : « J’ai combattu le bon combat » (2Ti. 4,7), tandis qu’ici vous entendez : « Je ne crois pas avoir encore atteint le terme » ; mais qu’on lise attentivement les deux textes, et l’on comprendra la raison de ces deux affirmations. Nous ne pouvons pas toujours renouveler des discussions de ce genre ni donner de toutes choses une explication complète. Il suffit d’avertir qu’une des deux paroles a été prononcée bien avant l’autre, et que celle-ci, écrite à Timothée, coïncide avec les derniers jours de saint Paul. Ici il dit seulement : « Je ne crois pas avoir encore atteint le but », mais tous mes efforts tendent en avant. Les paroles suivantes accusent ce vœu : « Mais tout ce que je fais maintenant, c’est qu’oubliant ce qui est derrière moi, et m’avançant vers ce qui est devant moi, je cours incessamment vers le bout de la carrière, pour remporter le prix de la félicité du ciel, à laquelle Dieu nous a appelés par Jésus-Christ ».

Voyez comment par ces paroles il nous montre le motif qui le faisait tendre vers ce qui est encore devant lui. Bien certainement, celui qui se croit parfait, celui qui pense ne manquer de rien pour posséder une vertu accomplie, cessera par conséquent de courir, comme si déjà il avait atteint le but. Mais celui qui se regarde comme éloigné encore de la borne désirée, ne suspendra pas son élan. Telle doit toujours être notre persuasion, alors même que nous aurons fait une multitude de bonnes œuvres. Car si Paul, après mille morts, après de si grands combats, avait cependant cette conviction intime, bien plus doit-elle être la nôtre. Je ne perds pas courage, nous dit-il, bien qu’après une si longue course, je ne sois pas encore arrivé ; je ne veux jamais désespérer ; je cours encore, et je combats ; je n’ai qu’un but : avancer toujours ! C’est ce que nous devons faire nous-mêmes, oubliant nos bonnes actions passées, négligeant tout ce qui est en arrière. Le coureur, en effet, ne pense pas aux espaces déjà parcourus, mais à ceux qui restent à franchir. Ainsi ne pensons pas aux progrès que nous avons pu faire dans la vertu, mais bien à ceux qui nous restent à faire encore. À quoi en effet nous servira le terrain gagné, si nous n’achevons pas l’intervalle qui reste ? L’apôtre n’a pas même dit : Je n’y