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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/87

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pense pas, je ne m’en souviens pas ; mais : « J’oublie » ; voulant ainsi nous rendre plus vigilants. En effet, nous n’avons vraiment bien toute notre ardeur que quand nous jetons tout l’élan de notre âme vers ce reste de lutte à subir, et que nous livrons à l’oubli tout le passé. — « Nous tendons la main avec effort », dit-il, pour prendre avant même d’être arrivés. On dit en effet que le coureur s’étend en avant lorsqu’il projette avec effort son corps entier en avant même de ses pieds qui courent néanmoins toujours, se penchant vers le but, allongeant les bras, pour diminuer encore l’espace qui l’en sépare. Ainsi se révèle une âme pleine d’élan et d’invincible ardeur. Pour entrer en lice, il faut ainsi courir, avec toute cette hâte, avec toute cette énergie, et jamais mollement. Or la différence que vous remarquez entre un coureur de ce genre et un paresseux couché sur le dos, est précisément celle qui se trouve entre Paul et nous. Chaque jour il savait mourir, chaque jour mériter ; point d’occasion, nul moment qui ne le fit avancer d’un pas vers le terme de la carrière ; il ne voulait pas prendre, il voulait ravir. Et cette façon de saisir est permise : Celui qui donne le prix est si haut ; la palme est dans un lieu si élevé !

2. Considérez quel grand espace nous avons à parcourir et combien est élevé le but où il nous faut voler avec les ailes de l’esprit, seules capables d’atteindre à cette grande hauteur. Il faut monter là avec notre corps même, à qui ce terme est aussi proposé. « Car notre conversation », dit saint Paul, « est dans les cieux ». (Phi. 3,20) Là est notre palme. Or, voyez-vous quel sévère régime suivent les athlètes ? Comme ils ne touchent à aucun aliment capable d’énerver leurs forces ; comme chaque jour ils s’exercent au gymnase sous un maître, sous une discipline ? Imitez-les, déployez même pour votre âme une plus grande énergie. Votre palme est plus belle, vos adversaires sont plus nombreux ; suivez un régime, car vos forces sont menacées de plus d’un côté ; fortifiez vos jarrets et vos pieds, vous le pouvez, c’est l’affaire de votre volonté et non de la nature. Quant à celle-ci, nous devons l’alléger, de peur qu’elle n’oppose à l’agilité des jambes un poids accablant. Apprenez à avoir le pied sûr, le terrain glisse en maints endroits, et si vous tombez, vous perdez beaucoup ; toutefois, même tombé, relevez-vous ; ainsi vous sera-t-il encore permis de vaincre. Ne vous fiez pas à certain sol luisant et glissant, et vous ne tomberez pas ; choisissez le ferme, le solide, toujours. Tenez le front, les yeux levés : les maîtres de la course recommandent cette allure, qui favorise l’effort. La tête trop penchée vous entraîne et vous fait tomber.

Surtout regardez en haut, là est votre palme ; la vue d’une palme augmente l’ardeur du désir ; l’espérance vous ôtera le sentiment du labeur et des fatigues. L’éloignement vous fait paraître petite la récompense promise ; mais quelle est-elle enfin ? Ce n’est pas une branche de palmier, qu’est-ce donc ? Le royaume des cieux, le repos éternel, la gloire avec Jésus-Christ, avec lui l’héritage, la fraternité, des biens infinis que le langage humain ne peut expliquer. Impossible à nous de vous développer les beautés de cette palme ineffable ; celui-là seul la connaît qui l’a gagnée et va la recevoir. Ni l’or, ni les pierreries ne la composent ; elle est mille fois plus précieuse ; l’or, au prix d’elle, est de la boue ; au prix de sa beauté, les diamants sont de l’argile. Si conquérant de cette palme, vous arrivez au ciel, il vous sera donné d’y marcher entouré d’honneurs ; les anges, vous la voyant en main, vous environneront de respect ; avec confiance vous approcherez de tous les trônes.

« En Jésus-Christ ». Voyez la connaissance de l’apôtre. Je fais tout, avoue-t-il, en Jésus-Christ ; car à moins qu’il n’imprime le mouvement, tant d’espace est infranchissable à notre faiblesse ; nous avons besoin d’être beaucoup aidés. Il a voulu que le théâtre de la lutte fût ici-bas ; et là-haut, le couronnement. Chez nous la couronne est accordée sur le champ du combat ; celle-là, au contraire, est placée sur des sommets splendides. D’ailleurs, dans nos cités mêmes, l’athlète ou l’écuyer vainqueurs, quand ils vont recevoir l’honneur tant recherché, ne restent pas en bas dans le stade ; ils montent appelés par l’empereur, qui de son trône élevé, les couronne. Ainsi vous-mêmes, loin d’ici, vous recevrez la palme dans le ciel.

« Tout ce que nous sommes donc de parfaits, conclut-il, soyons dans ces sentiments, et si vous en avez d’autres, Dieu vous découvrira aussi ce que vous en devez croire ». Qu’est-ce que Dieu nous apprendra ? Qu’il faut oublier tout ce que nous laissons derrière nous, de sorte que la marque de la perfection