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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/98

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le mot de quelqu’un qui se presse et n’a plus rien de commun avec les choses temporelles. « Au reste, mes frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est saint, tout ce qui est juste, tout ce qui est pudique, tout ce qui est aimable, tout ce qui est édifiant, tout ce qui est vertueux et louable, fasse l’entretien de vos pensées ».

« Tout ce qui est aimable », qu’est-ce à dire ? Aimable aux fidèles, aimable à Dieu. — « Tout « ce qui est vrai », le mot « vrai » est éminemment bien choisi, car il désigne la vertu même ; tout vice, au contraire, est mensonge. La volupté, compagne du vice, la gloire et toutes les choses de ce bas monde ne sont plus que mensonge. — « Tout ce qui est pudique », c’est l’opposé glu péché qu’il stigmatisait dans ceux qui n’ont de goût que pour les choses de la terre. — « Tout ce qui est saint » est dit contre ceux qui n’ont d’autre Dieu que leur ventre. — « Tout ce qui est juste et édifiant », ou, comme il le répète en finissant, « tout ce qui est vertueux et louable », est mis pour rappeler aux Philippiens leurs devoirs envers les hommes. — Vous le voyez : le dessein de Paul est de bannir de nos cœurs toute mauvaise pensée. Car des pensées mauvaises procèdent nécessairement les mauvaises actions.

Et comme c’est une méthode excellente que de se proposer soi-même comme modèle de l’accomplissement des avis qu’on a donnés, il va dire : « Pratiquez ce que vous avez appris et reçu de moi », dans le même sens qu’il leur écrivait déjà : « Comme vous avez notre exemple ». Il déclare donc : Faites selon ce que je vous ai enseigné, selon ce que « vous avez vu et appris en moi », c’est-à-dire, imitez-moi pour les paroles, les actions, la conduite. Vous voyez que cette recommandation emporte tous les détails de la vie. En effet, comme il est absolument impossible de définir par le menu tous les devoirs, nos allées et venues, nos conversations, notre extérieur, nos habitudes intimes, et que toutefois le chrétien doit tout régler, saint Paul les résume et dit : « Faites selon ce que vous avez vu et appris en moi » ; comme pour dire : Je vous ai instruits par mes actions autant que par mes paroles. « Pratiquez », a-t-il écrit ; faites, et ne vous contentez pas de parler. « Et le Dieu de paix sera avec vous » ; c’est-à-dire, si vous gardez ces règles, si vous avez la paix avec tout le monde, vous aurez pris ainsi le poste le plus sûr et le plus tranquille ; il ne vous arrivera rien qui vous afflige, rien qui soit contraire à vos désirs. — En effet, toutefois que nous aurons la paix avec Dieu, et nous l’avons toujours par la vertu, bien plus encore Dieu aura-t-il la paix avec nous. Car puisqu’il nous a aimés jusqu’à nous rechercher quand nous l’évitions, combien plutôt, nous voyant courir à lui, nous offrira-t-il spontanément son amitié.

Le plus grand ennemi de notre nature, c’est le vice. Que le vice soit notre ennemi, et la vertu notre amie, bien des preuves le démontrent. Et, si vous le voulez, la fornication, une des grandes plaies de l’homme, nous fournira le premier exemple. La fornication attire sur ses victimes un déshonneur complet, la pauvreté, le ridicule ; elle en fait la fable et le mépris de tout le monde : à ces ruines, reconnaissez un ennemi. Souvent d’ailleurs elle apporte et maladies et dangers extérieurs, puisque l’on a vu maints débauchés périr par les suites naturelles du libertinage ou par des blessures. Si tels sont les fruits de la fornication, quels ne seront pas ceux de l’adultère ? En est-il ainsi de l’aumône ? Tant s’en faut, qu’au contraire, pareille à une mère, elle gagne à son enfant chéri la grâce, l’honneur, la gloire ; elle lui fait aimer à remplir ses devoirs d’état ; loin de nous délaisser, loin de nous détourner des obligations nécessaires, elle rend nos cœurs plus prudents, tandis que les débauchés sont l’imprudence même.

Mais préférez-vous étudier l’avarice ? Elle aussi nous traite en ennemie. Comment ? C’est qu’elle nous attire la haine universelle ; elle nous fait détester de tous, des victimes de l’injustice et de ceux mêmes que nos injustices n’ont point foulés. Ceux-ci plaignent les autres et craignent pour eux-mêmes. Aussi tous n’ont contre l’avare qu’un regard de colère l’avare est l’ennemi commun, une bête féroce, presque un démon. De là contre lui mille accusations, complots, jalousies : autant de fruits d’inimitiés. Au contraire, la justice nous fait de tous nos semblables autant d’amis, autant de serviteurs dévoués, autant de cœurs bienveillants, tous répandent pour nous leurs prières ; de là pour nous un état tranquille et sûr ; point de danger, point de soupçon ; le sommeil même nous arrive calme et heureux ; aucune inquiétude, aucune plainte amère.

3. Voyez-vous que la justice est préférable