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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/432

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DISCOURS
EN FAVEUR
DE LA LOI MANILIA.

DISCOURS TREIZIÈME.


ARGUMENT.

Après un commandement de sept années, en qualité de proconsul, dans l’Asie Mineure ; après plusieurs victoires remportées sur Tigrane et sur Mithridate, Lucius Lucullus fut rappelé à Rome en 686. Moins heureux que Lucullus, M. Acilius Glabrion, son successeur l’année suivante, essuya des revers et perdit la confiance du soldat. Il fallut choisir un autre général, et C. Manilius, tribun du peuple, proposa de nommer Pompée, alors occupé à la guerre contre les pirates. D’après le projet de loi, il ne s’agissait de rien moins que de donner à Pompée, outre le commandement de forces maritimes considérables, celui des armées qui devaient opérer dans l’Asie Mineure et dans les provinces de la haute Asie, telles que la Cappadoce, la Colchide, la Cilicie, l’Arménie, etc., etc. La loi était vivement combattue par Quintus Catulus, Quintus Hortensius et d’autres illustres personnages. César, au contraire appuyait vivement Manilius, et Cicéron, qui alors était préteur, cédant plus sans doute à son amitié pour Pompée qu’à une intention bien réfléchie d’investir d’une autorité excessive un citoyen ambitieux, monta pour la première fois à la tribune aux harangues, dans le dessein d’appuyer la loi Manilia, et de faire donner à Pompée le commandement de la guerre contre Mithridate.

Cette harangue fut prononcée sous le consulat de M. Emilius Lépidus et de Q. Volatius Tullus, l’an de Rome 687, de Cicéron 41. Un décret public adopta la loi de Manilius ; et la république, dit Plutarque, fut, de son propre mouvement, assujettie à Pompée, autant qu’elle l’avait été à Sylla par la violence des guerres civiles.


Romains, quoique le spectacle fréquent de vos assemblées ait toujours été pour moi le plus agréable, et que toujours cette tribune m’ait paru le plus noble et le plus magnifique théâtre où l’on puisse déployer son éloquence et son zèle, cependant la règle de conduite que je m’étais imposée dès ma jeunesse, plutôt que ma volonté, m’interdisait l’entrée de cette carrière de gloire, toujours et principalement ouverte au talent et à la vertu. Car, alors, mon âge ne me permettait pas de m’élever jusqu’à la majesté de ce lieu ; et, supposant d’ailleurs qu’il n’y faut rien apporter qui ne soit l’œuvre du génie perfectionné par le travail, j’ai cru devoir jusqu’ici consacrer tout mon temps au service de mes amis. Ainsi, tandis que cette tribune n’est jamais restée sans défenseurs de votre cause, moi-même, occupé tout entier à défendre avec conscience et désintéressement les particuliers en péril, j’ai recueilli de vos suffrages la récompense la plus considérable de mes efforts. En effet, après la prorogation des comices, nommé trois fois premier préteur par toutes les centuries, j’ai compris sans peine et ce que vous pensiez de moi et ce que vous prescriviez à tous les autres. Maintenant, appuyé de toute l’autorité que je dois aux distinctions dont il vous a plu de m’honorer, et de toute la force d’action qu’un homme habitué aux veilles et aux débats du forum peut acquérir par l’usage quotidien de la parole, certes, si cette autorité est en effet la mienne j’en userai auprès de ceux qui me l’ont donnée ; et si ma voix aussi a quelque puissance, je la ferai entendre à ceux-là