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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/709

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temps vos infamies sous le masque d’une apparente austérité ? Osiez-vous vous liguer avec lui, et vendre de concert, pour de riches provinces, la dignité de consul, la constitution de Rome, l’autorité du sénat, l’existence entière d’un citoyen qui avait bien servi sa patrie ? Sous votre consulat, en vertu de vos ordonnances tyranniques, il n’a pas été permis au sénat et au peuple de secourir la république par leurs délibérations et par leurs décrets, ni même par leur affliction et par leurs habits de deuil. Pensiez-vous être consul, comme vous l’étiez alors, à Capoue, ville autrefois le séjour de l’orgueil, et non pas à Rome, ville où tous les consuls avant vous obéirent au sénat ? Produit, avec votre digne émule, dans l’assemblée du cirque Flaminius, avez-vous bien osé dire que vous aviez toujours été miséricordieux ; par cette prétention singulière, ne déclariez-vous pas que le sénat et tous les gens de bien, lorsqu’ils sauvaient la patrie, avaient été cruels ? Vous miséricordieux ! vous qui, malgré nos liens de famille, m’aviez choisi le premier pour veiller aux suffrages dans les comices où vous fûtes élu ; qui, aux calendes de janvier, dans le sénat, m’aviez fait opiner le troisième : et toutefois, âme compatissante, vous m’avez livré pieds et mains liés aux ennemis de l’État ; vous avez repoussé de vos genoux, avec des paroles arrogantes et dures, mon gendre votre proche parent, ma fille votre alliée ; puis, lorsque je tombai avec la république sous les coups des consuls bien plus que sous ceux d’un tribun, vous, Pison, si généreux et si doux, par un excès de la cupidité la plus atroce, vous ne mîtes pas l’intervalle d’une heure entre la ruine d’un citoyen et le partage de votre proie ; vous n’attendîtes pas même que Rome eût du moins interrompu ses gémissements et ses larmes.

On n’avait pas encore publié le trépas de la république, et déjà on vous payait ses funérailles. Dans le temps où ma maison était livrée au pillage et aux flammes, où l’on transportait mon mobilier du mont Palatin chez un des consuls, qui en était voisin, et celui de Tusculum chez l’autre consul, qui avait aussi une maison voisine de la mienne ; dans ce moment, par les suffrages des mêmes troupes de mercenaires, sur la motion du même gladiateur, dans ce forum où l’on ne voyait aucun homme de bien, ni même aucun homme libre, le peuple romain ignorant tout ce qui se passait, et le sénat gémissant dans l’oppression, les provinces, les légions, les commandements, le trésor, étaient abandonnés à deux consuls pervers et sacrilèges.

VIII. Ces deux consuls avaient tout renversé ; vous, consuls, leurs successeurs, vous avez tout relevé par votre courage, et par l’activité fidèle des préteurs et des tribuns. Que dirai-je de T. Annius, un de nos plus grands citoyens ? qui pourrait assez dignement parler d’un tel personnage ? Voyant que pour vaincre un citoyen coupable, ou plutôt un ennemi domestique, il fallait, s’il était possible, recourir aux lois et aux tribunaux, mais que, si la violence suspendait, anéantissait les tribunaux même, il ne restait plus qu’à réprimer l’audace par le courage, la fureur par la fermeté, la témérité par la prudence, les armes par les armes, la force par la force ; il dénonça d’abord Clodius pour crime de violence et quand