Aller au contenu

Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
MADAME ROLAND

constance grave et son erreur a quelque chose de dérisoire !

Sans doute reçut-elle là une leçon très dure mais profitable. On ne voit du reste pas que son autorité en fut le moindrement ébranlée.


Mme Roland était sur un terrain plus sûr lorsque, préoccupée de la diffusion des idées révolutionnaires, elle distingua un commis aux Postes, nommé Antoine Lemaire, qui était l’auteur des premières lettres du Père Duchêne, et le fondateur du Courrier de l’Égalité. Elle demanda à Bosc de le mettre en congé temporaire : « Faites cela vite pour la patrie, » dit-elle dans un billet du matin et, dès le lendemain, elle remettait à ce Lemaire la mission d’endoctriner les soldats. Mme Roland était toujours poussée par un esprit réalisateur, impatient d’agir. Pour elle, le temps est une matière précieuse dont il est impardonnable de ne pas tirer ce qu’on appellerait aujourd’hui le maximum de rendement. Elle écrivait à Bancal : « Je suis en enfer quand on ne marche pas vite, ferme, et qu’on ne frappe point juste et fort. » C’est au même moment que Louvet, le jeune et célèbre auteur de Faublas, fut présenté par Lanthenas à l’hôtel de l’intérieur et que, sur la suggestion de Mme Roland, il fonda, pour appuyer le ministère, le journal-affiche la Sentinelle.

Mme Roland, sociable par nature, et sans aucun doute désireuse de fonder auprès d’elle un point de ralliement, s’était mise en devoir d’organiser des réceptions au ministère. Elle n’invitait pas de femmes, n’avait ni cercles ni visites, mais deux fois par semaine des dîners où paraissaient les collègues de son mari, des députés, et généralement des hommes politiques qui n’appartenaient pas à l’extrême gauche. « Le goût et la propreté régnaient sur ma table sans profusion et le luxe des ornements n’y parut jamais, dit-elle. » Elle n’y faisait faire qu’« un seul service », de sorte que l’on restait peu de temps à table. Il y avait ordinairement quinze couverts, quelquefois dix-huit ou vingt. Après dîner on causait au salon. On se mettait à table vers 5 heures. À 9 heures il n’y avait plus personne. « Tels furent les repas, dit-elle dans ses Mémoires, que les orateurs populaires traduisirent à la tribune des Jacobins en festins somptueux où, nouvelle Circé, je cor-