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Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/87

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LA RÉVOLUTION

rompais tous ceux qui avaient le malheur de s’y asseoir[1]. »

Le programme du ministère c’est de chasser de l’administration, de la diplomatie et de l’armée, les hommes et l’esprit de l’ancien régime, c’est de régler la question du clergé ; c’est surtout de faire la guerre à la Prusse et à l’Autriche menaçantes.

Visiblement, la crainte de la guerre étrangère et de la vengeance des émigrés maintenait le pays dans un état de trouble funeste à la reprise des affaires. Un seul remède : forcer les souverains européens à reconnaître le gouvernement révolutionnaire et à disperser les agglomérations d’émigrés et de prêtres rebelles qui s’étaient organisées chez eux. Brissot croyait la guerre indispensable. Robespierre, au contraire, répétait, pour flatter le peuple, que la guerre se ferait dans l’intérêt du tyran et de sa famille — ce qui était d’ailleurs en pleine conformité avec les vues du roi et de la reine.

À ce moment précis où les partis, d’ailleurs beaucoup moins clairement déterminés dans la réalité que dans l’histoire écrite, se dressent l’un contre l’autre pour une lutte mortelle, l’avenir de la Révolution va se décider.

Le 20 avril, la guerre est déclarée. La Gironde et la Montagne font une révolution dans la Révolution et se heurtent violemment. Mme Roland écrit à Robespierre, « l’homme au visage de chat », comme disait Buzot, une lettre étincelante, dure comme le diamant :

C’est à vous, monsieur, de considérer, dit-elle en concluant, que cette justice du temps doit à jamais éterniser votre gloire ou l’anéantir pour toujours.

La rupture est consommée. Les destins sont écrits.


Les nouvelles de l’armée étaient mauvaises.

Le ministre de la Guerre, M. de Grave, inquiétait le Conseil

  1. Champagneux a tenu à confirmer, dans son édition des écrits de Mme Roland, ce qu’elle dit sur la frugalité des habitudes qu’elle avait établies dans son entourage aussi bien que chez elle. Il cite le témoignage de Bosc qui, ayant un soir invité à dîner au Bois de Boulogne cinq amis dont trois ministres, dépensa quinze francs pour six personnes.