— Où couches-tu ?
— Là-haut.
— Avec ta sœur Aimée, bien entendu ?
— Non, elle a un lit dans la chambre de Mlle Sergent.
— Un lit ? tu l’as vu ?
— Non… oui… c’est un divan ; il paraît qu’il se déplie en forme de lit, elle me l’a dit.
— Elle te l’a dit ? Gourde ! cruche obscure ! objet sans nom ! ramassis infect ! rebut du genre humain !
Elle fuit épouvantée, car je scande mes insultes de coups de courroie à livres (oh ! pas des coups bien forts), et, quand elle disparaît dans l’escalier, je lui jette cette suprême injure : « Graine de femme ! tu mérites de ressembler à ta sœur ! »
Un divan qui se déplie ! Je déplierais plutôt ce mur ! Ça ne voit rien, ces êtres-là, ma parole ! Elle a pourtant l’air assez vicieuse, celle-là, avec ses yeux retroussés vers les tempes. La grande Anaïs arrive pendant que je souffle encore, et me demande ce que j’ai.
— Rien du tout, j’ai seulement battu la petite Luce pour la dégourdir un peu.
— Y a rien de nouveau ?
— Rien, personne n’est descendu encore. Veux-tu jouer aux billes ?
— À quel jeu ? j’ai pas de « neuf billes[1]. »
- ↑ Il faut neuf billes pour jouer au « carré ».