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claudine à l’école

disciplines comprimées pendant ma maladie. Je reconnais les lieux nouveaux, j’installe mes livres et mes cahiers, pendant que Luce s’assied et me regarde en coulisse, timidement. Mais je ne daigne pas lui parler encore ; j’échange seulement des réflexions sur la nouvelle école, avec Anaïs qui croque avidement je ne sais quoi, des bourgeons verts, il me semble.

— Qu’est-c’tu manges là, des vieilles pommes de crocs[1] ?

— Des bourgeons de tilleul, ma vieille. Rien de si bon que ça, c’est le moment, vers le mois de mars.

— Donne z’en un peu ?… Vrai, c’est très bon, c’est gommé comme du « coucou »[2]. J’en prendrai aux tilleuls de la cour. Et qu’est-ce que tu dévores encore d’inédit ?

— Heu ! rien d’étonnant, Je ne peux même plus manger de crayons Conté, ceux de cette année sont sableux, mauvais, de la camelote. En revanche le papier buvard est excellent. Y a aussi une chose bonne à mâcher, mais pas à avaler ; les échantillons de toile à mouchoirs, qu’envoient le Bon Marché et le Louvre.

— Pouah ! ça ne me dit rien… Écoute, jeune Luce, tu vas tâcher d’être sage et obéissante, à côté de moi ? Sinon, je te promets des taraudées et des pinçons, gare !

  1. Fruits du pommier non greffé, effroyablement âcres.
  2. Gomme des arbres fruitiers.