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claudine à l’école

Je m’ennuie à l’école, fâcheux symptôme, et tout nouveau. Je ne suis pourtant amoureuse de personne (Au fait, c’est peut-être pour cela). Je fais mes devoirs presque exactement, tant j’ai la flemme, et je vois paisiblement nos deux institutrices se caresser, se bécotter, se disputer pour le plaisir de s’aimer mieux après. Elles ont les gestes et la parole si libres l’une avec l’autre, maintenant, que Rabastens, malgré son aplomb, s’en effarouche, et bafouille avec entrain. Alors les yeux d’Aimée braisillent de joie comme ceux d’une chatte en malice et Mlle Sergent rit de la voir rire. Elles sont étonnantes, ma parole ! Ce que la petite est devenue « agouante[1] » on ne peut pas se le figurer ! L’autre change de visage sur un signe d’elle, sur un froncement de ses sourcils de velours.

Attentive devant cette intimité tendre, la petite Luce guette, flaire, s’instruit. Elle s’instruit même beaucoup, car elle saisit toutes les occasions d’être seule avec moi, me frôle, câline, ferme presque ses yeux verts et ouvre à demi sa petite bouche fraîche ; non, elle ne me tente pas. Que ne s’adresse-t-elle à la grande Anaïs qui s’intéresse, elle aussi, aux jeux des deux colombelles qui nous servent d’institutrices à leurs moments perdus, et

  1. Exigeante.