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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/184

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claudine à l’école

bonne histoire et en rire avec elle. Aussitôt qu’elle a disparu, Anaïs relève la tête ; nous la considérons avidement, elle a les joues marbrées, les yeux gonflés à force de les frotter, et elle regarde son cahier obstinément. Marie Belhomme se penche vers elle et lui dit, avec une sympathie tumultueuse : « Ben, ma vieille, je crois qu’on va te râbâter chez toi. Tu disais-t-y beaucoup de choses dans tes lettres ? » Elle ne lève pas les yeux, et répond à haute voix pour que nous entendions toutes : « Ça m’est bien égal, les lettres ne sont pas de moi. » Les gamines échangent des regards indignés : « Crois-tu, ma chère ! ma chère, ce qu’elle est menteuse ! »

Enfin l’heure sonne. Jamais sortie n’a été si lente à venir ! Je m’attarde à ranger mon pupitre pour rester la dernière. Dehors, après avoir marché pendant une cinquantaine de mètres, je prétends avoir oublié mon atlas, et je quitte Anaïs pour voler à l’école : « Attends-moi, veux-tu ? »

Je me rue silencieusement dans la classe vide et j’ouvre le poêle : j’y trouve une poignée de papiers à demi brûlés, que je retire avec des précautions maternelles ; quelle chance ! Le dessus et le dessous sont perdus, mais l’épaisseur du milieu est à peu près intacte ; c’est bien l’écriture d’Anaïs. J’emporte le paquet dans ma serviette pour le lire chez nous à loisir, et je rejoins Anaïs, calme, qui flâne en m’attendant ; nous repartons ensemble ; elle me lorgne en dessous. Tout à coup,