Aller au contenu

Page:Claudine a l'Ecole.pdf/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
claudine à l’école

scie ! Je tourne les talons et je fuis prestement dans l’ombre. Ensuite, je m’adresse à un garçon épicier qui abaisse à grand bruit le rideau de fer de son magasin, et, de rue en rue, souvent poursuivie d’un rire ou d’un appel familier, j’arrive place du Théâtre, je sonne à la maison connue.

Mon entrée interrompt le trio de violon, violoncelle et piano que jouent deux blondes sœurs et leur père ; on se lève en tumulte : « C’est vous ? Comment ? Pourquoi ? Toute seule ! — Attendez, laissez-moi dire et excusez-moi. » Je leur conte mon emprisonnement, ma fuite, le brevet de demain ; les blondines s’amusent comme de petites folles : « Ah ! que c’est drôle ! Il n’y a que vous pour inventer des tours pareils ! » Le papa rit aussi, indulgent : « Allez, n’ayez pas peur, on vous reconduira, on obtiendra votre grâce ». Braves gens !

Et nous musiquons, sans remords. À dix heures, je veux partir et j’obtiens qu’une seule vieille bonne me reconduise… Trajet dans les rues assez désertes, sous la lune levée… Tout de même, je me demande ce que la Rousse coléreuse va bien pouvoir me dire ?

La bonne entre avec moi à l’hôtel, et je constate que toutes mes camarades sont encore dans la cour, occupées à chiffonner des roses, à boire de la bière et de la limonade. Je pourrais rentrer dans ma chambre, inaperçue, mais je préfère me payer un petit effet, et je me présente, modeste,