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claudine à l’école

Ma cruche vient à ravir, bien ventrue. Pendant que je la considère complaisamment, notre surveillant, distrait par l’entrée timide des institutrices qui viennent savoir « si les compositions sont bonnes en général » nous laisse seules, et Luce me tire tout doucement : « Dis-moi, je t’en prie, si mon dessin est bien ; il me semble qu’il y a quelque chose qui cloche. »

Après examen, je lui explique :

— Pardi, elle a l’anse trop basse ; ça lui donne l’air d’un chien fouetté qui baisse la queue.

— Et la mienne ? demande Marie de l’autre côté.

— La tienne, elle est bossue à droite ; mets-lui un corset orthopédique.

— Un quoi ?

— Je dis que tu dois lui mettre du coton à gauche, elle n’a des « avantages » que d’un côté ; demande à Anaïs de te prêter un de ses faux nénés (car la grande Anaïs introduit deux mouchoirs dans les goussets de son corset, et toutes nos moqueries n’ont pu la décider à abandonner ce puéril rembourrage.)

Ce bavardage jette mes voisines dans une gaîté immodérée : Luce se renverse sur la chaise, riant de toutes les dents fraîches de sa petite gueule féline, Marie gonfle ses joues comme des poches de cornemuse, puis toutes deux s’arrêtent figées au milieu de leur joie, — car la terrible paire d’yeux brasillants de Mlle Sergent les méduse du fond de