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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/245

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claudine à l’école

Mademoiselle nous pousse. « Allez ! allez donc ! prendrez-vous racine ici ? » Notre groupe s’avance, pas brave, en peloton ; le père Sallé, noueux et recroquevillé, nous regarde sans nous voir, invraisemblablement myope ; Roubaud joue avec sa chaîne de montre, les yeux distraits ; le vieux Lerouge attend patiemment et consulte la liste des noms ; et, dans l’embrasure d’une fenêtre s’étale une bonne grosse dame, qui est d’ailleurs demoiselle, Mlle Michelot, des solfèges devant elle. J’allais oublier un autre, le grincheux Lacroix, qui ronchonne, hausse furieusement les épaules en feuilletant ses bouquins, et semble se disputer avec soi-même ; les petites, effrayées, se disent qu’il doit être « rudement mauvais ! » C’est celui-là qui se décide à grogner un nom : « Mlle Aubert ! »

La nommée Aubert, une trop longue, pliante et penchée, tressaute comme un cheval, louche et devient stupide, immédiatement ; dans son désir de bien faire, elle se jette en avant en criant d’une voix de trompette, avec un gros accent paysan : « E’j’suis lâ, Môssieur ! » Nous éclatons de rire, toutes, et ce rire que nous n’avons pas songé à retenir nous remonte et ragaillardit.

Ce boule-dogue de Lacroix a froncé les sourcils quand la malheureuse a poussé son « E’j’suis là ! » de détresse, et lui a répondu : « Qui vous dit le contraire ? » De sorte qu’elle est dans un état à faire pitié.

— « Mlle Vigoureux ! » appelle Roubaud, qui lui,