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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/269

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claudine à l’école

À Bresles, la dernière station avant Montigny, on commence à s’agiter un peu ; dix minutes encore et nous serons là-bas. Mademoiselle tire sa petite glace de poche et vérifie l’équilibre de son chapeau, le désordre de ses rudes cheveux roux crespelés, la pourpre cruelle de ses lèvres, — absorbée, palpitante, et l’air quasi dément ; Anaïs se pince les joues dans le fol espoir d’y amener une ombre de rose ; je coiffe mon tumultueux et immense chapeau. Pour qui faisons-nous tant de frais ? Pas pour Mlle Aimée, nous autres, bien sûr. Eh bien ! pour personne, pour les employés de la gare, pour le conducteur de l’omnibus, le père Racalin, ivrogne de soixante ans, pour l’idiot qui vend les journaux, pour les chiens qui trotteront sur la route…

Voilà la Sapinière, et le bois de Bel Air, et puis le pré communal, et la gare des marchandises, et enfin les freins geignent ! Nous sautons à terre, derrière Mademoiselle qui a couru déjà à sa petite Aimée, joyeuse et sautillante sur le quai. Elle l’a serrée d’une étreinte si vive que la frêle adjointe en a brusquement rougi, suffoquée. Nous accourons près d’elle et lui souhaitons la bienvenue de l’air des écolières sages « … jour, Mmmselle !… zallez bien, Mmmselle ? »

Comme il fait beau, comme rien ne presse, nous fourrons nos valises dans l’omnibus et nous revenons à pied, flânant le long de la route entre les haies hautes où fleurissent les polygalas, bleus et