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claudine à l’école

le corsage ouvert, rient méchamment des deux gars. Anaïs les frôle en passant, j’accroche doucement à leurs poches des serpents de papier, ils s’échappent enfin, contents et malheureux, tandis que Mademoiselle prodigue des « Cht ! » qu’on écoute peu.

Avec Anaïs je suis plieuse et coupeuse, Luce empaquette et porte à la Directrice, Marie met en tas. À onze heures du matin, et à trois heures de l’après-midi, on laisse tout et on se groupe pour répéter l’Hymne à la Nature. Vers cinq heures, on s’attife un peu, les petites glaces sortent des poches ; des gamines de la deuxième classe, complaisantes, nous tendent leur tablier noir derrière les vitres d’une fenêtre ouverte ; devant ce sombre miroir nous remettons nos chapeaux, j’ébouriffe mes boucles, Anaïs rehausse son chignon affaissé, et l’on s’en va.

La ville commence à se remuer autant que nous ; songez donc, M. Jean Dupuy arrive dans six jours ! Les gars partent le matin dans des carrioles, chantant à pleine gorge et fouettant à tour de bras la rosse qui les traîne ; ils vont dans les bois de la commune — et dans les bois privés aussi, j’en suis sûre — « choisir » leurs arbres et les marquer ; des sapins surtout, des ormes, des trembles aux feuilles veloutées périront par centaines, il faut bien faire honneur à ce récent ministre ! Le soir, sur la place, sur les trottoirs, les jeunes filles chiffonnent des roses de papier et chantent pour attirer les gars