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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/294

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claudine à l’école

et blanches, l’air toujours un peu pierrot, elle voltige avec nous, coupe les bandes de travers, se trompe, s’accroche les pieds dans les fils d’archal, se désole et se pâme de joie dans la même minute, inoffensive et si douce qu’on ne la taquine même pas.

Mlle Sergent se lève et tire le rideau d’un geste brusque, du côté de la cour des garçons. On entend, dans l’école en face, des braiements de jeunes voix rudes et mal posées : c’est Monsieur Rabastens qui enseigne à ses élèves un chœur républicain. Mademoiselle attend un instant, puis fait un signe du bras, les voix se taisent là-bas, et le complaisant Antonin accourt, nu-tête, la boutonnière fleurie d’une rose de France.

— Soyez donc assez aimable pour envoyer deux de vos élèves à l’atelier, vous leur ferez couper ce fil d’archal en bouts de vingt-cinq centimètres.

— Incontinint, Mademoiselle. Vous travaillez toujours à vos fleurs ?

— Ce n’est pas fini de sitôt ; il faut cinq mille roses rien que pour l’école seule, et nous sommes encore chargées de décorer la salle du banquet !

Rabastens s’en va, courant nu-tête sous le soleil féroce. Un quart d’heure après, on frappe à notre porte, qui s’ouvre devant deux grands nigauds de quatorze à quinze ans ; ils rapportent les fils de fer, ne savent que faire de leurs longs corps, rouges et stupides, excités de tomber au milieu d’une cinquantaine de fillettes qui, les bras nus, le cou nu,