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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/81

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claudine à l’école

tous les périodiques s’accumulent à la maison. Papa me confie le soin de les couper, je m’octroie celui de les lire. Il faut bien que quelqu’un les lise ! Papa y jette un œil superficiel et distrait, le Mercure de France ne traitant que bien rarement de malacologie. Moi, je m’y instruis, sans comprendre toujours, et j’avertis papa quand les abonnements touchent à leur fin. « Renouvelle, papa, pour garder la considération du facteur. »

La grande Anaïs qui manque de littérature — ce n’est pas sa faute — murmure avec scepticisme :

— Ces choses que tu nous dictes aux leçons d’écriture, je suis sûre que tu les inventes exprès.

— Si on peut dire ! C’est des vers dédiés à notre allié le tzar Nicolas, ainsi !…

Elle ne peut pas me blaguer et garde des yeux incrédules.

Rentrée de Mlle Sergent qui jette un coup d’œil sur nos écritures. Elle se récrie : « Claudine, vous n’avez pas honte de leur dicter des absurdités semblables ? Vous feriez mieux de retenir par cœur des théorèmes d’arithmétique, ça vaudrait mieux pour tout le monde !! » Mais elle gronde sans conviction, car, tout au fond, ces fumisteries ne lui déplaisent pas. Pourtant je l’écoute sans rire, et ma rancune revient, de sentir si près de moi celle qui a forcé la tendresse de cette petite Aimée si peu sûre… Mon Dieu ! Voilà qu’il est trois heures et demie, et dans une demi-heure elle viendra chez nous pour la dernière fois.