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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/86

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claudine à l’école

ridicule. Alors, quoi, c’est fini nous deux ? Et si je la tourmente de questions, nous nous quitterons brouillées ?… Je prends ma grammaire anglaise, il n’y a rien d’autre à faire ; elle a un geste empressé pour ouvrir mon cahier.

C’est la première fois, et la seule, que j’ai pris avec elle une leçon sérieuse ; le cœur tout gonflé et prêt à crever, j’ai traduit des pages entières de :

« Vous aviez des plumes, mais il n’avait pas de cheval.

» Nous aurions les pommes de votre cousin s’il avait beaucoup de canifs.

» Avez-vous de l’encre dans votre encrier ? Non, mais j’ai une table dans ma chambre à coucher, etc., etc. »

Vers la fin de la leçon, cette singulière Aimée me demande à brûle-pourpoint :

— Ma petite Claudine, vous n’êtes pas fâchée contre moi ?

Je ne mens pas tout à fait :

— Non, je ne suis pas fâchée contre vous.

C’est presque vrai, je ne me sens pas de colère, rien que du chagrin et de la fatigue. Je la reconduis, et je l’embrasse, mais elle me tend sa joue en tournant si fort la tête que mes lèvres touchent presque son oreille. La petite sans cœur ! Je la regarde s’en aller sous le réverbère avec une vague envie de courir après elle ; mais à quoi bon ?

J’ai dormi assez mal, mes yeux le prouvent,