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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/335

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au soir de la pensée

n’ont qu’une valeur de mnémotechnie. Le point de vue général exigerait qu’au lieu de nous perdre en des catégories précieuses pour les musées, nous cherchions dans les adaptations et dans l’esthétique de l’outil des traces d’une évolution de pensée et d’art en même temps. Quand nous aurons dénombré toutes les variétés de haches, de couteaux, de flèches, de harpons, d’hameçons, de grattoirs, de pilons, de burins, de polissoirs, de perçoirs, de râcloirs, etc., nous aurons une idée des variétés de dispositions dans les développements d’une industrie primitive. Mais au cours de ces développements, que de points d’interrogation ! Ce pourrait être une raison de plus pour serrer le problème. On y viendra quelque jour.

Lorsque nous rencontrons l’homme paléolithique, armé de son bâton, que l’évolution fera « massue » chez l’Hercule représentatif des énergies primitives (en attendant qu’il devienne sceptre chez le roi du « civilisé »), il n’est encore muni que d’un soutien pour un redressement d’acquisition récente. Déjà, cependant, la pierre s’offre pour arme de jet, lame tranchante ou simple pilon suivant le cas du moment. Huttes de branchages qui réclameront le secours de toutes procédures, ou cavités rocheuses qui pourront s’aménager et même s’étager par le travail de la pierre dure sur la pierre friable, — le recueillement de l’habitation invitera l’homme à rechercher, à disposer des combinaisons, de moyens. Bientôt se rejoindront le bâton, et la pierre qui se façonnera pour devenir hache, bêche ou marteau. La hache primitive de silex éclaté passera par l’épreuve des tailles hâtives au polissage, par lequel l’homme néolithique a franchi le pas d’un insigne progrès de forme et de fini où nous trouvons même une aspiration de beauté.

Il est inadmissible qu’à ces progrès, dont les témoignages nous demeurent, d’autres progrès n’aient pas répondu. Le tableau n’en sera pas retrouvé. Toutefois, dans le domaine de l’art, un admirable élan de sensations esthétiques s’est manifesté dont nous avons la documentation sous les yeux. On s’est émerveillé, avec grande raison, des dessins, des peintures, des modelages, trouvés dans les cavernes. Il demeure les difficultés d’un ordre de chronologie dans des productions dont les premiers essais ne pouvaient laisser de trace durable.

L’ouvrier, l’artiste paléolithique, ne sont pas arrivés à réa-