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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/167

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PROMENADE EN HOLLANDE.

parents ; une robuste nourrice d’abord, puis une honnête gouvernante, et enfin une sémillante institutrice française, soignèrent et élevèrent la gentille Sulpicia. La mère, toujours en recherche de quelque petit animal ailé ou rampant, le père rêvant cavernes et plages marines où les coquillages se forment et viennent échouer, avaient peu de loisir pour caresser l’enfant et s’apercevoir de sa grâce. On la laissait croître librement, sans direction, comblée de tout ce que donne la fortune, mais sevrée de ces caresses morales qui rendent l’âme plus tendre. L’enfant, livrée aux soins des domestiques, devint volontaire et tyrannique : on la conduisait souvent au dehors, afin de ne pas troubler les travaux du père et de la mère ; elle se passionna pour les promenades, les spectacles en plein vent, et, dès l’âge de huit ans, elle montra pour la parure un goût si vif qu’elle exigea qu’on lui mît toujours les modes françaises les plus nouvelles et les plus recherchées. Mme Van Dolfius, vêtue en toute saison de son sarrau de soie noire, et le bon Van Dolfius, portant toujours chez lui comme une peau naturelle sa douillette en soie marron, en voyant à l’heure des repas cette jolie petite fille frisée, pomponnée et droite comme une poupée sur son champignon de bois, se prenaient à la regarder ainsi qu’ils auraient fait d’une curiosité scientifique, puis ils se disaient en riant : « En vérité, est-ce bien nous qui