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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/212

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PROMENADE EN HOLLANDE.

les voir se défendre contre les araignées. Sa sobriété était telle, qu’une soupe au lait et un pot de bière lui suffisaient pour sa journée. Il refusa l’héritage d’un de ses amis et les offres généreuses du malheureux de Witt, grand-pensionnaire de Hollande. Le prince de Condé lui offrit en vain une pension au nom de la France : l’austère philosophe se suffisait. Il n’avait d’avidité que pour la science. Plein d’audace dans ses doctrines (que, du reste, il ne publiait point), il était doux et calme dans la vie et résigné devant la mort. Durant les troubles populaires de la Haye, qui amenèrent le massacre du grand pensionnaire de Witt et de son frère, l’hôte de Spinosa craignit que l’on ne vînt forcer et piller sa maison pour y chercher le philosophe : « Rassurez-vous, lui dit celui-ci ; aussitôt que la populace se présentera devant votre porte, vous viendrez m’en avertir pour que j’aille à sa rencontre, dût-on m’assassiner comme mes pauvres amis de Witt. »

Il ne mourut point de mort violente, mais jeune encore, d’une phthisie pulmonaire.

Dans le dernier ouvrage qu’il écrivit, Spinosa plaide avec force l’affranchissement de la pensée et la libre manifestation des idées : « Il est impossible, dit-il, d’ôter aux hommes la liberté d’exprimer leurs sentiments ; cette liberté ne nuit nullement à l’autorité du souverain, chacun doit l’avoir et en user, pourvu que ce ne soit pas dans l’intention