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Page:Collins - Le Secret.djvu/142

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— Debout derrière vous, tout contre le mur, » répondit la femme de charge.

Comme Léonard se tournait de ce côté : « Soyez doux pour elle, Lenny ! » lui dit Rosamond.

La femme de chambre, qui regardait mistress Jazeph avec une méprisante curiosité, vit sa physionomie, au moment où ces mots furent prononcés, changer du tout au tout. D’abondantes larmes montèrent aux yeux de la malheureuse créature et débordèrent bientôt sur ses joues. La rigidité mortuaire étendue, comme un masque de pierre, sur son pâle visage, fut brisée, pour ainsi dire, en un clin d’œil. Elle recula de nouveau, car elle avait fait un pas vers Léonard, et alla s’adosser à la muraille, comme elle y était auparavant. « Soyez doux pour elle ! » répétait-elle, et la femme de chambre l’entendait sans y rien comprendre… « Soyez doux pour elle !… Oh ! mon Dieu !… cela du moins, elle l’a dit avec bonté… Avec quelle bonté elle l’a dit !…

— Je n’ai nulle envie de m’expliquer avec vous ni de vous mortifier en rien, dit M. Frankland, qui ne distingua pas ces mots prononcés à demi-voix… Je ne sais rien de ce qui est arrivé ; partant, je ne vous accuse de rien. Je trouve mistress Frankland très-agitée, et dans un trouble extrême. Ce trouble, je l’entends vous l’attribuer, non dans un mouvement de colère, mais avec un sentiment de vraie pitié. Au lieu de vous faire entendre les reproches que vous méritez peut-être, j’aime mieux laisser à votre bon sens de juger si vos soins ici peuvent se continuer encore… Je place à votre disposition les moyens de retourner immédiatement chez votre maîtresse… et je vous conseille de lui offrir toutes nos excuses sans rien ajouter, si ce n’est que des circonstances particulières nous obligent à ne pas user de vos services.

— Vous venez de me témoigner des égards que j’apprécie, monsieur, dit à son tour mistress Jazeph du ton le plus posé, et avec des manières tout à la fois très-douces et très-fières… Je me montrerai digne des ménagements dont vous usez, en ne disant rien de ce qui pourrait me servir d’excuse. »

Elle fit alors quelques pas vers le milieu de la chambre, et s’arrêta sur un point d’où elle voyait en entier Rosamond. Deux fois elle essaya de parler, deux fois la voix lui faillit ; à un troisième effort, elle parvint à se rendre maîtresse d’elle-même.

« Avant de partir, madame, dit-elle, je désire vous voir bien convaincue que mon renvoi ne me laisse aucun ressen-