Aller au contenu

Page:Collins - Le Secret.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

timent… Je ne suis nullement irritée. Veuillez vous souvenir qu’en vous quittant je n’avais pas de rancune, et que je n’ai pas articulé une seule plainte. »

Sur sa figure se peignait un tel découragement, il y avait dans sa voix, pendant qu’elle prononçait ce peu de mots, tant de résignation calme et triste, que le cœur de Rosamond en fut comme fasciné.

« Pourquoi m’avez-vous fait peur ? demanda-t-elle, déjà fléchie à demi.

— Vous effrayer, moi ?… Et comment cela se pourrait-il ?… Hélas ! qui donc au monde ne vous effrayerait, si, moi, je vous effraye ? »

Parlant ainsi avec une tristesse qui n’avait rien d’affecté, la garde alla prendre son chapeau et son châle sur la chaise où elle les avait déposés. Tandis qu’elle les mettait, on pouvait suivre le tremblement de ses mains amaigries ; et cependant, si insignifiant que fût ce soin, on voyait dominer encore, dans ce mouvement mécanique, le sentiment inexorable des convenances traditionnelles.

En allant vers la porte, elle s’arrêta une fois encore à côté du lit, jeta sur Rosamond et sur l’enfant un regard voilé de larmes, lutta de nouveau contre sa timidité naturelle, et prononça les paroles d’adieu.

« Dieu, dit-elle, vous comble de bénédictions ! puisse-t-il vous faire constamment heureux, vous et votre fils !… Vous me renvoyez, et je n’en conçois aucun ressentiment… Si jamais, cette nuit passée, il vous arrive de penser à moi, veuillez vous rappeler que je suis partie sans m’irriter… ni me plaindre. »

Un moment encore elle demeura, pleurant toujours, et toujours, à travers ses larmes, regardant la mère et l’enfant, puis elle se détourna et marcha vers la porte. Dans ses dernières paroles, et dans l’accent qu’elle y mit, il y eut quelque chose qui commanda aux personnes réunies dans cette chambre d’auberge un recueillement silencieux. Elles étaient quatre, et pas un mot ne fut prononcé au moment où la garde, refermant la porte sans bruit, toute seule s’éloigna d’elles.