Aller au contenu

Page:Collins - Le Secret.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décidait à courir tous les hasards, à en finir avec tous ses doutes.

Son mari tourna la tête du côté d’où lui arrivait le son de sa voix, et sur sa figure on pouvait voir un mélange de surprise et de perplexité.

« Vous passez d’un sujet à l’autre si soudainement, lui dit-il, que vraiment j’ai peine à vous suivre… Comment pouvez-vous sauter ainsi, Rosamond, d’une discussion sur je ne sais quel imbroglio romanesque, à cette affaire si simple et si naturelle : la lecture d’une vieille lettre ?…

— Peut-être, répondit-elle, ces deux choses se touchent-elles de plus près qu’elles n’en ont l’air.

— Elles se touchent, dites-vous… Quel rapport peut-il exister entre elles ?… Je ne comprends pas.

— La lettre vous l’expliquera.

— Pourquoi la lettre ? Pourquoi pas vous ?… »

Elle lança sur le visage de son mari, à la dérobée, un regard inquiet, et vit qu’à ce moment, pour la première fois, une ombre prophétique, l’ombre de quelque pressentiment grave, venait de se projeter dans sa pensée.

« Rosamond, s’écria-t-il, il y a là dessous quelque mystère !

— Entre nous, interrompit-elle vivement, pas de mystère possible !… Il n’y en a jamais eu, bien-aimé… Jamais il n’y en aura. »

Elle se rapprocha de lui, à ces mots, comme pour aller prendre, sur son genou, la place qu’elle aimait… Mais elle se retint, et recula jusqu’à la table. Les pleurs qui venaient mouiller ses yeux la mettaient en garde contre les trahisons du courage qu’elle s’était cru, et lui disaient qu’il fallait lire cette lettre assez loin de lui pour ne pas sentir les battements du cœur qu’elle allait troubler.

« Vous ai-je dit… reprit-elle, après un instant de silence, pendant lequel elle tâcha de se calmer… vous ai-je dit où j’ai trouvé le papier plié que je vous ai remis pendant que nous étions encore dans la chambre aux Myrtes ?

— Non, répondit-il, je ne crois pas.

— Je l’ai trouvé, reprit-elle, derrière le cadre de ce portrait : ce portrait de la femme-spectre, à la physionomie perverse… Je l’ai ouvert immédiatement, et j’ai vu que c’était une lettre. La suscription intérieure, la première ligne qui suivait, et une des deux signatures apposées au bas, étaient d’une écriture que je connais.