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Page:Collins - Le Secret.djvu/310

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une situation qui n’est pas la mienne, et de savoir comment, en des circonstances imprévues, je me conduirais.

— Voyons, cependant ; supposez que votre femme est près de vous… aussi près que je le suis… Elle vous a révélé le secret fatal ; et la voilà debout devant vous… debout comme me voici… attendant une bonne parole qui, tombée de vos lèvres, fera le bonheur de toute sa vie… Eh bien, Lenny, la laisseriez-vous s’affaisser à vos pieds, le cœur brisé ? Quelle que soit sa naissance, vous sauriez qu’elle est bien cette même créature dévouée qui, depuis le jour de votre hymen, vous a chéri, vous a soigné, a mis tout son avenir en vos mains, et qui, en échange, n’a rien demandé, si ce n’est, la tête appuyée sur votre cœur, de vous entendre dire qu’elle vous est chère… Vous sauriez qu’elle a puisé le courage de vous révéler le mystère de sa naissance, dans sa loyauté, dans son amour ; qu’elle a préféré mourir abandonnée et méprisée, plutôt que de vivre trompant son mari… Sachant tout cela, vous ouvririez vos bras à la mère de votre enfant, à la femme que vous avez aimée la première, et cela quand bien même elle serait, par son origine, au rang de celles que le monde estime le moins… Oh ! vous le feriez, Lenny !… Je sais, moi, que vous le feriez !

— Rosamond !… comme vos mains tremblent !… Comme votre voix est altérée !… Vous vous agitez à propos de cette tristesse en l’air, création de votre cerveau, comme si vous parliez d’événements réels.

— Oui ! Lenny ! vous l’attireriez sur votre cœur… Vous lui ouvririez vos bras, sans la moindre tentation indigne de vous.

— Chut ! chut !… J’espère que j’agirais ainsi…

— Vous espérez ?… vous ne faites qu’espérer ?… Ah ! mon ami, réfléchissez seulement un instant… et dites-moi : Je suis sûr que j’agirais ainsi…

— Vous le voulez, Rosamond ?… Eh bien, soit… je le dis. »

Elle se redressa, au moment où il prononçait ces paroles, et prit la lettre sur la table.

« Vous ne m’avez pas demandé, Lenny, de vous lire la lettre que j’ai trouvée dans la chambre aux Myrtes… Eh bien ! c’est moi qui, maintenant, vous le propose… »

Elle tremblait un peu, tandis qu’elle articulait ces paroles décisives ; mais après tout elles furent nettement émises, sans hésitation, sans embarras, comme si, désormais irrévocablement engagée à faire l’importante révélation, elle se