Aller au contenu

Page:Collins - Le Secret.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux lois le prix que pouvait raisonnablement demander le capitaine. Le vieux Frankland savait parfaitement tout cela, et y attachait toute l’importance imaginable. Il y avait, d’ailleurs, dans l’aspect seigneurial de Porthgenna-Tower, avec ses droits exclusifs de mine et de pêche, partie intégrale de la propriété, quelque chose qui s’accordait merveilleusement avec les projets de restauration aristocratique qu’il avait conçus pour sa famille. Là il pourrait, et son fils après lui, changer le domaine en seigneurie, et, sous leur bon plaisir, sous leur autorité presque souveraine, s’exercerait l’industrie de plusieurs centaines de familles, éparses le long de la côte, ou entassées dans les petits villages de l’intérieur. C’était là une perspective bien tentante ; et on pouvait arriver à ces brillants résultats sans débourser plus de quarante mille livres sterling, dix mille de moins que, dans le secret de sa pensée, Frankland n’avait pensé devoir en consacrer à la métamorphose d’un ancien négociant en riche propriétaire terrien. Ainsi que je vous le disais, ceux qui savaient tous ces détails ne furent nullement étonnés de l’empressement que mit le vieux Frankland à se rendre acquéreur de Porthgenna-Tower, car le capitaine Treverton, de son côté, ne se fit pas tirer l’oreille pour profiter d’une offre qui lui convenait si bien. Le domaine changea de mains ; et tout aussitôt le vieux Frankland de courir là-bas, avec une nombreuse escorte de gros bonnets venus de Londres, afin de mettre en valeur, d’après les derniers errements de la science, et les mines et les pêcheries ; sans compter un beau monsieur, qualifié d’architecte, mais qui avait tout l’air d’un prêtre catholique déguisé, et sous la direction duquel on devait décorer le vieux manoir, de fond en comble, sur des plans d’un gothique tout fraîchement renouvelé du moyen âge. Que dites-vous de ces beaux plans, de ces projets magnifiques ? Et comment croyez-vous qu’ils aboutirent ?

— Ah ! mon cher ami, dites-le-moi » : telle fut la réponse qui tomba des lèvres de M. Phippen… « J’ignore si mistress Sturch a, dans sa petite pharmacie de famille, une bouteille de julep au camphre » : telle était, au même moment, la pensée qui lui traversait l’esprit.

— Il faut donc vous le dire ? s’écria le ministre… Eh bien ! naturellement, et comme cela devait être, cet échafaudage tomba tout à plat. Ses vassaux du duché de Cornouailles le reçurent comme un intrus. L’antiquité de sa race le leur recommandait médiocrement. Si antique qu’elle fût, ce n’était