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Page:Collins - Le Secret.djvu/65

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pas une race cornouaillaise, et dès lors, à leurs yeux, elle n’avait aucune importance. Ils seraient allés au bout du monde pour les Treverton, mais pas un d’eux ne se fût, pour les Frankland, détourné d’une semelle. La mine, elle, se montra imbue du même esprit d’insurrection qui armait les tenanciers. Les gros bonnets de Londres creusaient dans toutes les directions, à grand renfort de poudre et de principes scientifiques, et ramenaient à la surface du sol douze sous vaillant de minerai pour cinq livres sterling de frais. Les pêcheries ne donnèrent pas de beaucoup meilleurs résultats. Une nouvelle méthode pour saler les sardines, miracle d’économie, théoriquement parlant, se trouva, dans la pratique, un miracle d’extravagance. Frankland, en tout ceci, n’eut qu’une vraie bonne fortune : ce fut de se brouiller assez à temps avec son architecte moyen âge, qui ressemblait si fort à un prêtre catholique déguisé. Cet heureux incident économisa au nouveau propriétaire de Porthgenna tout l’argent qu’il eût, sans cela, dépensé à réparer et redécorer toute une longue enfilade d’appartements que, dans le pavillon du nord, on avait laissés tomber en ruine depuis plus de cinquante ans, et qui, maintenant encore, sont dans le même état d’abandon. Pour abréger, après avoir dépensé à Porthgenna plus de milliers de guinées que je n’aimerais à en devoir, le vieux Frankland, dégoûté en fin de compte, laissa le manoir aux soins d’un intendant, chargé tout spécialement de n’y pas dépenser un farthing, et s’en revint de nos côtés. Gardant bonne rancune à son mauvais marché, la première fois qu’il put attraper le capitaine Treverton débarquant sur la côte au retour de sa seconde traversée, il n’eut rien de plus pressé que de maudire, un peu trop vivement pour la circonstance, et Porthgenna et ses habitants. Ceci refroidit les deux voisins l’un pour l’autre, et une rupture complète s’en fût peut-être suivie sans les enfants, qui n’entendaient pas se voir moins fréquemment que par le passé, et qui, en vertu de cette volonté bien arrêtée, mirent fin à la brouille de leurs parents, tout simplement parce qu’ils la rendaient ridicule. C’est ici que, à mon avis, commence le curieux de l’histoire. Des intérêts de famille vraiment importants demandaient, pour être convenablement réglés, que nos deux jeunes gens s’éprissent l’un de l’autre, et, chose merveilleuse ! ainsi que je vous le disais ce matin, au déjeuner, ce fut exactement ce qu’ils firent. Amour et mariage vraiment singuliers, en ce qu’ils se trouvè-