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Page:Comeau - La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, 1945.djvu/87

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HISTOIRES D’OURS

Or, il arriva ceci d’étrange. À la première visite qu’il fit à son piège, il y trouva deux gros ours mâles pris l’un par une patte de devant et l’autre par une patte de derrière. Les deux pattes étaient bien prises de long et de haut dans le piège. Tous deux s’étaient férocement battus, déchirés et mis en sang, mais étaient solidement pris.

Ka-mikamust crut qu’il rêvait ; il en pouvait à peine croire ses yeux. Il y avait quelque chose de mystérieux dans ce piège. Jamais, dans sa vie, pareille chose lui était arrivée. C’était un fait inconnu dans sa tribu. C’était trop de chance à la fois, et il n’y put tenir. Il leva le piège et ne voulut plus le tendre de nouveau. Il s’en retourna à Bersimis avec le piège et le revendit trois piastres au premier homme qu’il rencontra.

Ce qu’il est advenu du piège dans la suite je n’en sais rien, mais j’espère qu’il est resté chanceux. Ayant trappé pendant bien des années moi-même, de vieux chasseurs que j’ai questionnés à ce propos, m’ont déclaré qu’ils n’avaient jamais entendu parler de pareille capture. Si c’eût été une femelle et son petit, on en aurait été moins surpris.

Pour montrer jusqu’à quel point le moindre incident en dehors de l’ordinaire peut réagir sur la mentalité superstitieuse des Sauvages, je vais rapporter ce qui est arrivé à un autre Indien du nom de Kasknian. C’était originairement un Indien du Lac Saint-Jean qui était finalement venu s’établir sur la réserve de Bersimis, où il avait une bonne maison. Il aimait beaucoup l’eau-de-feu, et comme il était bon chasseur il réussissait généralement à s’en procurer plus souvent qu’à son tour ; ce qui affectait sérieusement sa santé. Un hiver se trouvant sur son territoire de chasse, il remarqua des pistes de renards. Il y tendit un piège et un appât. À son retour, il y trouva pris