Aller au contenu

Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

impatience le réveil du vieillard, et qu’il épiait sur le visage maigre et sans vie de celui-ci la moindre émotion.

Au bout de quelques instants, il prit le soufflet de fer et se mit à souffler sur la tourbe jusqu’à ce qu’une petite flamme bleuâtre s’en échappât.

Le vieillard arrêta sa main d’une étreinte fébrile, et dit d’une voix tremblante :

— Qu’est-ce ? Que fais-tu, Mathias ? Finis donc ! La tourbe ne brûle-t-elle pas assez vite pour qu’il faille encore la souffler ainsi ? As-tu froid ?

— Au contraire, répondit Mathias ; mais huit heures sonnent à l’église, et il est temps de déjeuner.

— Eh bien ?

— Je croyais que cela vous ferait du bien de manger chaud, oncle Jean !

— Manger chaud ! cela affaiblit l’estomac, grommela le vieillard… Et puis, la tourbe est si horriblement chère !

Sur ces entrefaites, Mathias avait mis le pot sur la table et tendu une cuiller à l’oncle. Celui-ci se mit à remuer et à souffler dans le pot comme s’il eût craint de se brûler aux aliments qu’il contenait. Bien qu’il parût en aspirer le fumet avec délices et avec un sourire de convoitise, le mets en question n’était rien moins qu’appétissant ; ce n’était qu’un océan d’eau tiède dans lequel nageaient des morceaux de pain noir.

À la première cuillerée qu’il porta à ses lèvres, le vieillard adressa à son compagnon un regard de reproche, et dit :