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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/369

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— Mathias, Mathias, je ne sais comment tu peux ainsi prodiguer le sel !

— Il n’y en a que cinq grains, oncle Jean.

— Et qu’est-ce que je vois là ? De la graisse ? du beurre même ? Hélas ! tu veux me mettre sur la paille dans mes vieux jours ! Mathias, Mathias, ce n’est pas bien !

— Vous vous chagrinez à tort, répondit l’autre ; Cécile a réchauffé hier les pommes de terre dans le pot, et elle y a fait fondre un gros morceau de beurre.

— Un gros morceau !

— J’aurais pu laver et nettoyer le pot…

— Non, non, il ne fallait pas le faire !

— Aussi m’en suis-je bien gardé ; nous y gagnons un peu de graisse qui sans cela eût été perdue.

— J’ai tort, Mathias ; tu es un brave garçon ; et s’il me reste quelque chose à mon lit de mort, je te récompenserai de tes soins et de ton attachement, sois-en sûr.

En ce moment on frappa doucement à la porte et une voix craintive se mit à réciter distinctement le Pater noster.

— La femme du maçon Jean ! dit Mathias avec un mouvement d’impatience irritée. Elle n’a jamais rien eu ici, — et tous les jours elle revient… Que veut dire cet entêtement ? On dirait qu’elle est payée pour me tourmenter !

— Encore ! s’écria l’oncle Jean ; donner ! toujours donner ! Lève-toi, Mathias, et chasse-moi bien loin ces fainéants !

La porte s’ouvrit lentement ; une pauvre femme très-maigre se montra sur le seuil, tenant à la main une