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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/374

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s’il eût entendu un blasphème. Riche ? moi riche ? Qui t’apprend à dire de pareilles infamies ?

— Calmez-vous, oncle Jean, je sais assez quelle peine nous avons à joindre les deux bouts de l’année. C’est la mère Anne qui fait son compte ainsi… Laissez-moi, pour un instant, raisonner à rebours comme la veuve… Elle est pauvre, vous êtes riche : Cécile héritera de la moitié de ce que vous laisserez. Si elle épousa le fils de la veuve, ces gaspilleurs auront un jour en main le meilleur de votre bien. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils se mettent en frais aujourd’hui pour enjôler votre nièce. Encore une fois c’est une rente viagère sur vous qui leur rapportera mille du cent. Comprenez-vous maintenant ?

L’oncle tremblant considérait Mathias avec des yeux écarquillés. Celui-ci parut tout joyeux de l’émotion croissante du vieillard et reprit d’une voix rapide et expressive :

— Voyez-vous, oncle Jean, ces fausses gens espèrent que vous ne vivrez plus longtemps. À peine le vieil avare, — c’est ainsi qu’ils vous nomment, — sera-t-il en terre que le violon râclera chez eux ; ils boiront, feront bombance, se mettront en joie ; Barthélemy s’en ira ripailler et tapager dans les cabarets, — et ils jetteront ainsi par les fenêtres le peu que vous avez amassé si péniblement. Hélas ! le pire de tout c’est qu’à la fin du compte notre pauvre Cécile se trouvera sur la paille et aura peut-être à pleurer pendant sa vie entière son erreur d’un instant. Puisse le bon Dieu l’en préserver !

Un pénible et long accès de toux s’empara du vieillard