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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/391

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si le compte n’est pas juste Dieu le redressera…

Cécile s’était empressée aussi de mettre la petite fille sur sa chaise.

On apporta d’autres sièges, on coupa court aux remerciements de la veuve, et tous ensemble attaquèrent joyeusement le plat appétissant. Seulement, lorsque la pauvre femme eut apaisé sa première faim, elle se mit à contempler avec une indicible tendresse sa fille qui, insouciante et heureuse, dévorait pommes de terre et lard. Des larmes silencieuses commencèrent à tomber de ses yeux.

Chacun la regarda avec étonnement comme pour lui demander l’explication de cette subite tristesse. Cécile seule la comprit et dit :

— Vous avez sans doute d’autres enfants, brave femme ?

— Oui, ma chère demoiselle, répondit la veuve, j’en ai deux encore ; celle-ci est la plus âgée… les autres, pauvres petits agneaux, sont à la maison tout seuls, sans feu… et depuis huit jours ils n’ont rien mangé qu’un peu de pain noir !

— Mais pourquoi vous êtes-vous mise tout d’un coup à pleurer ? demanda Jeannette.

La femme courba la tête et répondit sans regarder.

— Une mère… vous ne pouvez encore comprendre cela, ma fille… Cela me fait peine de voir ma petite Marie manger ainsi… Les pauvres petits qui sont demeurés là-bas ont si faim…

Barthélemy se leva brusquement, s’essuya la bouche et s’écria :